17/08/2006

[Réflexion] Une culture d'entreprise singulière

Le but de cet article n’est en aucun cas de juger une pratique professionnelle, encore moins le rôle particulier des différents participants, mais de partir de l’observation d’un fait afin d’en produire une analyse des comportements sociaux. En ce sens, le contexte n’est qu’un élément de décor, prétexte pour mon regard.

Invité à visiter une entreprise nommée : « Tupperware », je me suis fait – le temps d’une matinée – observateur désengagé. Il s’agissait précisément ce matin là, d’une rencontre entre toutes les professionnelles du secteur : les monitrices, responsables d’équipe et leurs présentatrices.Lorsque je suis entré dans les locaux du siège social d’Ille et Vilaine, j’ai d’abord cru à une immense loterie. Un discours huilé, un vocabulaire précis ont tôt fait de m’enseigner le caractère formaté que revêtait la cérémonie. Face à l’assemblée, l’oratrice s’adressait à un public de professionnels.

Un management ciblé

Mis à part moi, il n’y avait que des femmes.Il s’agissait ce lundi d’une rencontre hebdomadaire qui a pour but de présenter les nouveaux produits.Sur le plan culturel, il est clair que cette pratique professionnelle joue un rôle de lien social entre les participants (les ateliers ainsi que les rencontres). Les rencontres hebdomadaires du lundi matin permettent de remobiliser certaines personnes qui risqueraient de s’isoler et de finalement quitter l’activité. Mais c’est également une manière de rappeler les objectifs et allécher les femmes avec des cadeaux à la clef de chaque nouveau challenge. Grâce aux cadeaux, une bonne année d’activité permet à ces femmes de garnir allègrement leur foyer d’objets ménagers en tout genre (robots, télé et boîtes variées).La principale question qui me tortura l’esprit pendant cette matinée, et à laquelle je vais à présent tenter de répondre est la suivante :Quelles fins, toutes ces femmes, poursuivent-elles ?En observant les comportements et par un rapide échange avec certaines personnes rencontrées, j’en distingue quatre :- gagner de l’argent- obtenir des cadeaux- acquérir une reconnaissance aux yeux des autres- se rencontrer afin d’échanger entre elles.

1/ La première hypothèse me semble la plus vraisemblable car il s’agit avant toutes choses d’un métier que ces femmes revendiquent. Seulement, sur une vente, elles ne touchent que 20 % du produit, ce qui reste somme toute peu de chose lorsque l’on voit toutes les démarches qu’elles doivent effectuer. Ensuite, devenant monitrices, c’est-à-dire chef d’équipe, celles-ci perçoivent 3 % de la recette de leur présentatrices.
2/ Il me semble que cet aspect reste le principal moteur pour ces femmes. Lors de l’assemblée à laquelle j’assistai, et qui se déroule de manière identique chaque semaine, tout devenait prétexte à faire monter les participants sur scène. La personne qui a fait la meilleure vente, celle qui a vendu le plus gros appareil ou encore celle qui a organisé le plus de réunions en une semaine. Mise à l’honneur devant leurs pairs, chaudement félicitée et enfin grassement rétribuées par des cadeaux conséquents, les femmes sont prêtes à donner le meilleure d’elles-mêmes.
3/ Si j’évoque l’hypothèse de la reconnaissance auprès de pairs, c’est à cause du côté mise en scène. Tout est prétexte à faire venir les participants sur scène. Cet aspect évènementiel contribue à pousser les participants à se faire remarquer par de gros chiffres d’affaires.
4/ L’aspect de l’échange apparaît finalement peu. Il ne contribue apparemment qu’à attiser la pression collective qui va motiver les participantes.Au fond, le seul problème que j’y vois est qu’au final, ce n’est pas tant l’appât du gain en terme financier qui prime pour ces femmes, mais le désir , sans cesse inassouvi de posséder et toujours posséder plus d’objets proposés. En ce sens, la finalité principale des ces participants semble bien moins d’arrondir ses fins de mois que d’amasser le plus d’objets possibles.Le désir d’obtention n’est pas uniquement lié à un besoin essentiel de tel ou tel objet mais de mesurer si on va être capable de les obtenir. Cette activité ne contribue donc en rien à des réflexes de solidarité même s’il ne semble pas y avoir de concurrence exacerbée entre les participantes.

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