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06/07/2015

DOSSIER | Traquer l'insolite dans nos vies











Editorial | Chroniques de l'insolite

Pour qu'une chose devienne intéressante, il suffit de la regarder longtemps disait Flaubert. C'est sans doute en adoptant cette attitude que j'aime profondément observer la vie sociale. Car si l'on porte un regard suffisamment insistant sur les situations de tous les jours, ces instants prennent alors une couleur différente et se révèlent à nous sous un angle inédit.


Il n'y a rien de pire que lorsque, à force de côtoyer les mêmes paysages chaque jour on finit par passer devant sans n'y porter plus la moindre attention. Parfois le simple fait d'un éclairage nouveau, de la présence d'une personne ou encore de notre humeur, ce paysage peut se révéler à travers sa singularité. N’avez-vous jamais fait cette expérience ? Lycéen, je me souviens qu'un de mes amis, photographe, avait réalisé une exposition photographique en proposant des clichés des recoins de l'établissement. Clichés qui n'en était justement pas. Car, si les endroits photographiés étaient des lieux que nous fréquentions à cette époque tous les jours pour ne pas dire plusieurs fois par jour, l'interprétation qu'il en proposait les rendaient méconnaissables et surtout leur donnait une nouvelle fraîcheur. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si un lien vers le site de cet ami figue sur ce blog. Aujourd'hui artiste à son compte il a su cultiver, travailler et affiner ce regard pour en faire un véritable instrument de travail dont l'appareil photo n'est que le support. Pour ma part, ce n'est pas tant les lieux et ses empreintes matérielles qui m'intéressent mais ceux qui les font vivre au jour le jour. Autrement dit, le bâtit ne prend jamais un sens aussi véritable que lorsqu'il est occupé par l'Homme. Surtout lorsque celui-ci ne l'utilise pas de la manière dont son concepteur l'avait envisagé. Car c'est là que se révèle le vrai visage de l'humanité en y proposant une interprétation personnelle. Mais c'est aussi à cet instant que l'utilité et la fonctionnalité de tels espaces se justifient. De cette manière, l'imagination et la créativité ne viennent pas que de l'architecte qui a conçu les éléments mais également de l'usager qui se l'approprie et l'adapte à ses besoins. Si j'osai cette comparaison un peu trivial, je citerai l'exemple des grottes et cavernes que l'Homme au temps de son origine peignait de son regard sur le monde. A ce titre, l'espace public est un terrain fertile où s'expriment les identités sociales. Que ce soit dans le hall d'une gare, dans un bus, sur une place ou un parking, chaque jour des situations originales ont lieu. Ou plutôt singulières car l'originalité de ces situations provient de ce que l'on éprouve après les avoir relatées, sorties de leur contexte. Il me plaît d'y observer les situations les plus cocasses qui s'y jouent et de les immortaliser dans des chroniques que je qualifierai de "insolites". Sans quoi elles passeraient inaperçues. .Mais il me semble qu'une autre particularité ressort de mes chroniques. Et ce particularisme rejoint le débat contemporain dans le sens où il tord le coup à une angoisse. Certains pensent que les gens ne se parlent plus, qu'il n'existerait plus aucun contact entre les individus. C'est parfois vrai que dans les abris bus, les personnes qui attendent leur transport sont pour le moins statiques et sans vois pour ne pas dire sans expression. J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer dans une chronique le visage blême et sans sourire des certaines personnes dans la rue le matin. Je pense que l'interaction entre les individus existe mais elle prend des formes nouvelles correspondant à la personnalité de chacun. Ainsi, s'il n'y existe pas de dialogue entre deux personnes qui passent par les mots d'une conversation, un automobiliste qui laisse passer un piéton, une jeune personne qui se lève pour laisser sa place à une personne plus âgée dans le bus sont des actes dont je suis le témoin chaque jour. Et dans ces chroniques, ce sont ces actes que je tenterai plus particulièrement de révéler et de mettre en avant. Autrement dit les situations de la vie quotidienne où se noue l'échange entre les individus.Car, qu'il soit furtif ou posé, éphémère ou régulier, synthétique ou inspiré, l'échange est omniprésent dans nos vies. Et même si le plus souvent, on ne prend pas le temps d'y mettre les formes, il s'immisce de lui-même improvisant des médias originaux. Françoise DOLTO n'affirmait-elle pas que tout est langage ?

Dans cette rubrique : Chroniques de l'insolite, il s’agit d’un parti pris car je considère qu’au-delà de nos faits et gestes habituels, la vie est source d’étonnement ou l’homme tient une place de créateur faisant appel à son imagination. C’est une pratique qui consiste à témoigner de la vie quotidienne sans s’y laisser piéger. Ainsi, je me préserve des habitudes derrière lesquelles on fait disparaître la singularité de l’existence.



14/07/2014

[Chronique de l'insolite] L'été retrouvé

Pour goûter l'insolite de la vie, il faut accepter de prendre le temps de rester éveiller afin de se laisser happer par les détails. Car, bien souvent c'est leur agglomération qui tisse le fil de l'existence. Et lui délivre son sens. Le sel de la vie - comme le nomme Françoise HERITIER - se reflète au soleil comme dans les marais du même nom. Et comme par magie, les choses ordinaires revêtent des habits de fête en se faisant source d'émerveillement. Preuve que rien n'est superflu. Seul, le regard que que nous posons sur les choses et les événements se fait juge. Et forme une réalité subjective. 

Retrouvez durant tout l'été, la chronique L'été retrouvé sur Angers Mag !

02/08/2010

[Chronique de l'insolite] Carolles s'est longuement fait désirer

Dimanche 7 août 2005 :

Il a fallu longer le littoral durant quelques heures avant d’atteindre ses bras de mer. En effet, celle-ci est une masse rocheuse imposante mais gracile, entourée de récifs. Un petit chemin de douanier permet de l’atteindre aisément. Seulement la ballade demande de la patience.
Je suis parti d’un coin de verdure aménagé afin de rejoindre son miroir d’été. De cet endroit, j’ai d’abord dû longer une petite route. En bordure du bitume, autant de villas se dessinaient dans le paysage jusqu’au fil de l’eau. Elles semblaient si imposantes à mes yeux, que mon regard timide n’osa longtemps soutenir celui qui émanait de leur visage de pierre. Au loin, le Mont st Michel se présentait de dos. Non pas qu’il fût fâché, mais la côte Normande n’offre pas le même point de vue que la côte Bretonne sur cet édifice. Or, j’étais naturellement habitué à y accéder par l’autre face, dont le reflet se mire dans le Couesnon. Chateaubriand avait à ce titre, une si belle expression, lorsqu’il se plaisait encore à sillonner les bords de cette rivière. Il me semble qu’il a écrit dans ses « Mémoires d’outre tombe » : « le Couesnon dans son furie, a mis le Mont en Normandie ». Tant et si bien que du lieu ou j’initiai mon parcours, je n’aperçu que le dos du rocher.
La veille, je m’y étais rendu de nuit. Arpentant les rues à pic de ce roc mystique et si propice à la méditation nocturne, je m’étais alors juré d’y retourner.

Oserai-je encore m’étendre sur Carolles ? J’en ai si peu dit sur cette falaise aux tendres récifs qui . Son corps est urbain et son esprit parfois s’enlise, offrant alors un goût de sel. Lorsque j’observai, de son pic qui sert encore de promontoire, les touristes s’allonger sur ses côtes, je dû résister à la douceur de me glisser de même sur le sable. La mer s’était quelque peu retirée, laissant une place humide. Cependant, comme je l’évoquais plus haut, je ne pu contempler ce spectacle qu’après un long effort. Sans doute cette féminité ne se laisse atteindre qu’a ce prix.
Le chemin de douanier que je dû arpenter avant de la rejoindre avait été dessiné le long du littoral. Pittoresque atout qui offrait, au fil de la randonnée, un horizon sauvage. Bien sûr, le chemin n’était pas droit et je passai bientôt devant deux petites bâtisses de pierre dont l’une avait prit le nom de : « cabane de Vauban ». Je ne méditai pas longtemps sur le sort de ce militaire et criai d’un seul souffle, juste à ses côtés et face au ciel azur : « Merde à Vauban ! ». « Je recommande d’ailleurs à quiconque cet exercice », m’avait soufflé la veille un ami. -« C’est extra ». Je laissai pourtant là ma vie d’artiste et repris mon chemin.
Ah ! J’oubliai de mentionner cette crique, au creux de laquelle le circuit me fit descendre. Un panneau l’annonça d’après ce nom : « vallée de Lude ». Un ruisseau s’échappait hâtivement d’un des sommets de ce vallon, et venait se jeter à cours perdu dans une mer lui offrant sa gorge salée.

La plage s’étendait sur quelques kilomètres jusqu’à une extrémité portuaire. C’était Granville. Des petites cabanes construites en bois traçaient une limite entre la plage et la ville. D’un côté la plage accueillait une foule de touristes et de l’autre les rue de la villes semblaient exsangues. Le dimanche, en fin d’après-midi, l’esprit urbain ne proposait que peu de plaisirs pour des gens venu se détendre.

Enfin, je pu contempler Carolles s’étendre de tout son long rivage. Je ne regrettai rien du voyage. Seulement, je déplorai l’absence de solitude en ce lieu. De prestigieuses demeures se dressaient à l’entour. Mais de ce paysage, je ne retint qu’un parfum : celui de flots.

02/11/2009

Une bonne chose de fête

La fête de la toussaint à ceci de particulier qu’elle est suivie par une majorité de français sans qu’aucun ne s’en réjouisse particulièrement. Mais, trait de notre époque, et comme c’est le cas pour des tas d’autres causes, il faut bien marquer par un jour particulier dans le calendrier, un hommage à nos morts.

Rituel quand tu nous tiens. Qui ne s’est pas retrouvé dans un cimetière le week end dernier pour fêter la réunion de famille la plus triste de l’année : les retrouvailles de la toussaint. D’ailleurs le terme retrouvaille n’est pas des plus adapté car dans ce genre de moment c’est plutôt seul face à soi même qu’on se retrouve. Les morts ne sont par conséquent plus là. Et les vivants rassemblés nous rappellent, une fois n’est pas coutume, qu’on vient de prendre une année.
Mortel comme évènement qui, comme tous les autres, possède son lot de menus plaisirs. En effet si la tristesse est de mise en cette circonstance comme toutes celles qui réunissent les humains dans un cimetière, on est parfois heureux de croiser ici ou là quelques membres de la famille éloignée ou ami qu’on a toujours connu et qu’on ne retrouve qu’une fois par an. Fâché ou pas, chacun vient livrer sa petite pensée sur le tombe du feu ancêtre qui de là ou il est parvient encore à rassembler autour de lui son clan.
Chacun est d’accord pour dire qu’il pense à ses morts à tout autre moment de l’année et que cet évènement est bien plus l’occasion de se retrouver entre vivants…mais à la mémoire des morts.
Pour que cette circonstance soit conforme à la tradition, la pluie doit aussi nous rappeler l’entrée dans la saison hivernale.
Si ce moment n’est réjouissant pour personne, chacun s’en fait tout de même une obligation. Faut-il que le devoir familial soit à ce point ancré dans notre culture alors qu’à la même période d’autre jeûne pour le ramadan. A chacun ses rites. Mais que de privation, que d’efforts sur soi-même pour rester fidèle à sa culture.
Quand j’étais enfant, ma grand-mère avait l’habitude de dire à la fin de cette journée du 1ER novembre : « voilà une bonne chose de faite ! » et dans mon esprit je comprenais et partageais ce sentiment. Car une fois la Toussaint passée, la voie est libre jusqu’au fête de fin d’année, celle qui font le plus rêver les enfants que nous sommes tous restés.

12/10/2009

Un talent caché

Parmi les habitants des villes, qui n’a jamais croisé de sans logis. On les nomme les Sans Domicile Fixe. Parmi ceux-là, certains ne vivent pas comme une contrainte cette situation. C’est un choix d’existence qui est marqué par une forme de liberté qui les amène à marcher. Ce sont des baroudeurs singuliers. Nomades, ils n’appartiennent pas à la classe de ceux qu’on appelle « gens du voyage » pas plus qu’ils ne sont des SDF. Ils refusent pour autant la vie rangée qu’une majorité d’occidentaux ont apprivoisée.

Naples. Assis sur un banc, je regarde passer un homme dont l’apparence n’a rien de flatteur. Même à distance, il apparaît sale, vêtu d’habits en haillons et son visage est rouge. Il me rappelle un personnage que je croise régulièrement en France aux pieds d’un immeuble du centre ville. Dans toute les villes, il y a ici ou là un mendiant que l’on est amené à croiser tellement régulièrement qu’il finit par faire partie du paysage. Chaque jour on se reconnaît.
Cependant, celui-là pousse lentement, mais avec force, un vieux caddie de supermarché. Son allure est chancelante. Pourtant, il semble connaître son itinéraire. Il accompagne sa marche d’une chanson. Un air entraînant qu’il déclame à pleine voix. Les paroles sont en anglais mais lui est certainement italien puisque sa monture ne lui permet pas, à première vue, de passer aisément la frontière.
Le marcheur maîtrise parfaitement les paroles et sa voix est travaillée de telle sorte que l’on pourrait facilement penser qu’il a été chanteur. D’ailleurs à mieux y regarder, il en porte le look. Ses cheveux longs ondulent, libérés de leur gomina. Et sa barbe, à présent mal taillée laisse entrevoir qu’il portait auparavant deux beaux favoris. Un chanteur d’opéra peut-être. Son costume, plus qu’usé bien-sur est fait d’une matière solide. C’est une chance car c’est à présent son seul vêtement. Quant au personnage, au fond, il semble être resté fidèle à son premier rôle. Otez le décor, il demeure un chanteur se tenant droit la poitrine en avant. A l’aise avec sa voix. Sait-on vraiment qui se cache derrière les nombreux baroudeurs que l’on croise ? Car autour, personne ne semble se préoccuper de ce personnage, aussi atypique soit-il au beau milieu de ce parc. Il y a même quelque badaud qui, comme moi, l’observe médusés.
Cette scène de vie me rappelle le film Hommes femmes, mode d’emploi, de Claude LELOUCH. Parmi les nombreux personnages caractéristiques dans ce film il y a un clochard avec une voix d’ange. Jusqu’à la fin du film, il parvient à émouvoir le spectateur. Et, au cours de l’histoire, il se voit offert avec son ami musicien, une chambre dans un hôtel richissime par un une homme d’affaire perdu dans son existence. C’est grâce à ce geste que ce chanteur va se voir découvert et se retrouver sur une prestigieuse scène d’opéra par la suite.
Puisse le même destin attendre l’individu qui aujourd’hui pousse devant moi son caddie. De manière à ce qu’il retrouve son destin perdu.

30/09/2009

[Chroniques de l'insolite] Une scène familiale ordinaire

Le dimanche, en principe, les parkings de supermarché sont déserts puisque les commerces ont leurs portes closes. Rassurez-vous, je n’envisage pas polémiquer au sujet de leur ouverture. C’est juste que ce jour-là ces formidables surfaces libres se transforment en scènes de la vie ordinaire.

Un dimanche soir comme tant d’autres. Le jour s’est assombri et je rentre dans la ville où je réside après un week end passé en famille. La route est bordée des zones commerciales, de rond-point en tous genres et, à l’occasion, de quelques bourgs peu animés à cette heure.
Un instant je m’arrête dans une station libre service pour prendre de l’essence. Autour de moi, malgré les immenses bâtisses de tôles ondulées aux enseignes multicolores, il n’y a pas âme qui vive. Une fois que le moteur de mon véhicule est éteint, le silence règne. Tous ceux qui ont déjà fait l’expérience de ce genre de situation savent de quoi il retourne.
Pourtant, quelques éclats de voix se font entendre un peu plus loin, au beau milieu du parking.
Deux voitures stationnées se font face. A l’intérieur de chacune, des enfants d’âges différents. A l’extérieur, un couple s’explique. Grands gestes, voix avec un ton inégal. De là où je me trouve, on pourrait croire à une pièce de théâtre. En vérité, il n’en est rien. Où alors, cela se joue sur le ton de la tragédie. Dans les véhicules, les enfants ne bronchent pas. Sans doute pensent-ils à la semaine qui s’annonce dès le lendemain.
Le couple manifeste un désaccord flagrant. D’ailleurs le couple n’est plus et le sujet de leur altercation est la garde des enfants. L’un ramène à l’autre les enfants dont il avait la garde le week end durant et doit justifier devant l’autre le programme des activités. Et dans ce cas la moindre différence de point de vue peut prendre une dimension disproportionnée, jusqu’à la phase fatidique. « Je retiens et en informe dès demain mon avocat ».
Sans doute, il est difficile pour tout le monde de finir ou de débuter une semaine sur cette note. Seul, le parking accueillera imperturbablement de nouvelles scènes dès l’ouverture des magasins, demain matin.

06/04/2009

L'art d'être courtois

La courtoisie est un élément central dans les relations humaines même si elle n’est pas indispensable au lien social. Celle-ci se mesure notamment à travers les attentions que chacun porte à ses congénères. C’est ce petit plus qui fait la différence et qui mène nos relations de la simple politesse des gestes de circonstances à la distinction plus raffinée.

Depuis plusieurs semaines, je change régulièrement de voiture. La nécessité de trouver mes repères sur chacun des nouveaux modèles est devenue pour moi un exercice régulier. Chaque fois, il me faut m’adapter au niveau de maniabilité, à l’absence de certaines options que le modèle précédent possédait et vice versa. Peugeot, Citroën, Renault, VolksWagen chaque marque de chaque pays passent entre mes mains de conducteur averti. A l’heure où la préservation de l’environnement tient une place majeure dans notre société, chaque geste compte cependant. Et l’utilisation de la voiture doit être réduite au strict nécessaire dans les foyers. Aussi, je fais attention à mes déplacements. Pour chaque modèle que j’utilise, je fais des comparatifs sur son niveau de pollution. Ceci dit, le seul fait de me déplacer jusqu’au garage afin de déposer un modèle et d’en prendre un autre pour le ramener chez moi constitue un déplacement sans utilité réelle. Pris d’un sentiment de culpabilité, je m’assigne à suivre un comportement irréprochable envers mes congénères que je croise sur le trajet. Je ne sais par quelle étrange circonstance, depuis que j’utilise ce type de véhicule, je ne lésine sur aucun geste amical. Je m’arrête avant chaque passage pour piétons, attendant avec patience, que chacun ait terminé de le traverser. Je salue les cyclistes pour les encourager. Ou encore, je me rapproche du bord de la chaussée afin de laisser suffisamment de place au passage des motards qui me rendent la diligence d’un geste du pied. Je me sens comme obligé de remplir cette démarche car sur le véhicule que je conduis il est écrit en grosses lettres : « véhicule de courtoisie ». Je ne peux me résoudre à tromper les gens sur le slogan. Au risque de me faire arrêter par les forces de l’ordre et ainsi inculper pour publicité mensongère. Serais-je devenu le produit d’une mascarade où le zèle devient vertu ? Vous l’aurez compris, ma voiture est en panne et je roule dans des véhicules de courtoisie que mon garagiste, dans un élan de politesse raffinée me prête. S’il dispose de plusieurs véhicules, les prêts réguliers auprès de ses clients impliquent un calendrier très serré et parfois des exigences ou la courtoisie n’a plus sa place. Dès que je n’en est plus d’usage, je dois ramener le véhicule pour faciliter la vie d’une autre automobiliste qui connaît les mêmes désagrément que moi.La première fois que le garagiste m’a dit qu’il me prêtait un véhicule de courtoisie pour le Week-end, je m’imaginais déjà une belle berline ou mieux une décapotable avec l’arrivée des beaux jours. Mais ma surprise se renversa très vite. La courtoisie, semble-t-il à des limites. Si je totalise les carrosseries que j’ai pu caresser jusqu’ici, j’ai dû me réhabituer à l’usage du starter, que je n’avais même pas connu pour ma première voiture. C’est vous dire l’état des carrosses. Seul plaisir, j’ignorais jusque là le confort de la climatisation. Trève de courtoisie, la voiture n’est qu’un gadget sans grande importance. Tout l’art réside dans la conduite.

23/03/2009

"Autre", la case liberté


Dans ce nouveau texte, je continue de mettre en avant les situations, aussi insignifiantes soient-elles en apparence, où la nature humaine, malgré les obstacles, trouve les moyens de s'exprimer. Car, me semble-t-il, il existe bel et bien des voies détournées où la singularité apparaît. A chacun de se saisir de ces espaces de liberté.


Organisation administrative oblige, les démarches quotidiennes telles que l'ouverture d'une ligne électrique, l'inscription dans une bibliothèque ou encore la déclaration de perte ou de vol nous obligent à renseigner un formulaire type. Même le pôle emploi s'y est mis. L'administration publique les nomme CERFA, et les agences privées appliquent ce même schéma. Comme quoi, les opérateurs privés qui condamnent la bureaucratie s'en accommodent très bien eux aussi. Si la mise en page de ces formulaires diffère sans grande variété tout de même en fonction de l'organisme que l'on sollicite, les questions posées, quant à elle se ressemblent. Quel qu'en soit la finalité, la plupart des dossiers administratifs que l'on remplit se caractérisent par des questions à choix multiples. Il s'agit le plus souvent de questions pratiques et par conséquent basiques sur notre situation familiale et éventuellement quelques demandes plus personnelles qui ne requièrent pas une longue réflexion ni originalité. D'ailleurs, les propositions qui nous sont faîtes en face desquelles ont doit cocher celle qui correspond à notre situation ne sont pas toujours attrayantes. La case correspondant à l'identité ne pose jamais le plus de difficulté. Quoique la situation familiale n'est pas toujours simple à décrire simplement. Surtout pour les couples non mariés: il faut généralement choisir entre :- Concubinage- Union libre- En couple- Fiancé- Vivant sous le même toit- séparé- divorcéLa question des loisirs est assez intéressante de ce point de vue, car chacun veut indiquer chacune de ses activités, cela peut vite ressembler à une litanie. - Piscine chaque semaine- ballade en forêt en famille- jardinage surtout au printemps- cuisine quand j'ai le temps- foot avec les potes- cinéma avec les copinesDans un de ces célèbres ouvrages "Madame Bâ" Erik Orsenna raconte l'histoire d'une femme africaine devant remplir une demande d'asile. Durant tout l'ouvrage celle-ci se trouve en proie à un exercice difficile tant la complexité – et surtout la richesse - de son histoire de vie s'accommode mal de ce type de procédure. Mais il est une case, au beau milieu de ce formulaire qui me plaît tout particulièrement en ce qu'elle représente un vrai espace de liberté. Elle se nomme "autre" et, contrairement aux autres item, elle n'est pas précédée d'une case à cocher mais suivie de pointillé pour y indiquer ce qui n'aurait pas été envisagé par l'auteur du formulaire. Cette case se présente comme un appel d'air à l'imagination. Chacun peut libérer ici sa personnalité en indiquant ce qui le caractérise vraiment. Car ce serait vraiment une gageure de s'en priver. Peut-être faudrait-il que les nouveaux formulaires débutent par cette possibilité : "autre". Quelle meilleure de se définir lorsqu'on sait que "je est un autre".

16/03/2009

[Chronique de l'insolite] Parlez-vous le langage de l'Horodateur ?

Dans le monde tel qu'il fonctionne, chaque chose possède sa fonction propre et les gens n'ont qu'à apprivoiser les codes qui les régissent afin de parvenir à leur fin. Cependant, j'aime profondément lorsque les choses sont détournées de leur usage initial car c'est là que l'on voit apparaître la dimension humaine qui ne s'accommode pas de la vision binaire des choses. Car même détournée de son sens premier, l'utilisation inédite d'un objet peut avoir un sens non convenu certes mais pas pour autant faux.

Ainsi, il est admis pour chacun qu'une fourchette sert à manger et le cas échéant à cuisiner. Nous considérerons comme original le fait de l'utiliser comme d'une antenne où d'un peigne à cheveux. Même si certains le font. Fruit de leur imagination ou nécessité dans un moment d'urgence. Pour rester sur les exemples que je viens de citer, le dysfonctionnement de l'antenne de télévision au moment de la diffusion d'un film va conduire le téléspectateur à user de subterfuges pour rétablir la bonne marche. Cette pratique aussi originale soit-elle est justifiée par le contexte dans lequel elle s'inscrit. Aux pieds de l'immeuble où j'habite, les emplacements de parking sont payants. C'est souvent la règle en centre ville et à plus forte raison à proximité de la gare. Des horodateurs sont disposés tous les dix mètres afin de faciliter l'usage d'un ticket sans quoi on se retrouve avec une contravention. Lorsque je passe sur le trottoir, longeant les voitures garées sur le bas côté, j'observe toutes sortes de documents sur les pare-brises. Il s'agit tantôt de tracts publicitaires accrochés massivement sur la file entière des voitures présentes. Le plus souvent un ticket d'horodateur est consciencieusement déposé sur l'habitacle à l'intérieur du véhicule et bien en vu de l'extérieur. Et parfois, conséquence de la négligence d'un automobiliste, une contravention gît sur une voiture, glissée entre le pare-brise et l'essuie glace. Il s'agit là d'un mode de transmission et d'expression bien connu.Vous conviendrez comme moi, qu'il n'y a rien d'original à tout cela. Néanmoins, j'observe également d'autres formes de messages plus personnalisés. Pris de court par des circonstances inédites ou simplement soudaines certains automobilistes laissent des messages plus sInguliers. Voici quelques exemples de messages que j'ai pu lire :" Ma voiture est en panne, veuillez excuser le dérangement"" Horodateur hors service"" Je passe la journée à Paris. Le parking de la gare est fermé pour travaux, j'ai mis dans l'horodateur la somme maximum. J'espère que cela sera suffisant"Les messages que la machine délivre sont très limités et ne tiennent en aucun cas compte des réalités sociales. C'est à cet instant que l'utilisateur doit faire appel à son imagination pour adapter le système à sa situation. L'individu se saisi alors des interstices des codes du langage pour exprimer sa différence. De la même manière, si l'on regarde bien autour de nous, notre existence foisonne d'anecdotes où les choses sont détournées de leur sens ou de leur usage originel. La plupart du temps, ceci est dommageable car par compris et parfois source d'embarras. Cependant, il peut arriver que cette circonstance serve la création, ouvrant ainsi nos horizons. Car si le droit est utile et à mon sens indispensable, ne peut-il pas œuvrer également au service de l'imagination, de la spontanéité et de la créativité. J'apprécie de découvrir aux détours des rues, les formes d'un langage contemporain qui me rappelle que nous vivons dans un monde pluriel, composite, aux diversités revendiquées.

02/03/2009

Veuillez patienter...un conseiller va vous répondre


Pour chaque service que nous sollicitons, que ce soit par téléphone ou dans des agences, avant d'exposer notre problème, nous sommes presque chaque fois invités à répondre au schéma type :- Si votre problème concerne… faîtes cela- S'il concerne plutôt ceci… alors faîtes cela- Enfin si vous souhaitez contacter un conseiller... alors veuillez patienter. Très souvent le problème que l'on rencontre s'est déjà posé pour quelqu'un d'autre et alors une réponse toute faite nous est proposée. Mais voilà l'activité humaine à ceci de particulier qu'elle ne s'accommode pas de schéma type et surtout qu'elle se caractérise par une singularité. Et phénomène tout aussi humain, chacun se plaît à exprimer sa différence.


Les relations sociales sont inhérentes à notre existence. Multiples, elle répondent à des besoins différents et parfois nécessaires. Ainsi l'amitié que l'on entretient avec ses plus fidèles compagnons de route ne répond à aucun autre désir que celui de la spontanéité et de l'altruisme sans arrière pensée.La plupart du temps, lorsque l'on se retrouve entre amis, on se montre tel que l'on est, sans masques. Parfois même c'est un des rares moments ou l'on peut se détacher de toutes pressions sociales afin de laisser libre cours à notre personnalité sans autre contrainte que celle de sa seule représentation personnelle.Il n'en est pas de même dans toutes les situations de la vie sociale qui s'apparentent parfois de véritables jeux de rôles. C'est le cas avec les opérateurs auxquels nous avons recours pour toutes sortes de services de la vie pratique (eau, gaz, électricité, téléphonie…) Derrière leurs guichets ils assurent pour nous tout type de service, répondent aux questions pratiques et apportent autant de repères dans les différentes démarches administratives sans cesse plus complexes. Parfois même, à force de les côtoyer, une relation particulière s'installe. Cependant, ces conseillers qui sont sensés assurer l'interface entre leur administration et les usagers afin de rendre la vie plus facile cultivent des moeurs parfois étranges. Dernièrement, victime comme tant d'autres d'aléas suite à la souscription d'un nouveau contrat concernant mon abonnement téléphonique, j'ai été lié de près à l'équipe d'un service de téléphonie en charge d'assurer le service après vente. A tel point que je me rendais quasi quotidiennement dans leur agence pour suivre l'avancée de mon dossier. J'ai même fini par nouer des relations amicales avec les conseillers. En situation d'attente dans la file des réprimandes, j'ai pu observer les méthodes commerciales des conseillers. Et comment les procédures administratives cloisonnent les relations sociales dans une complexité vraiment déconcertante. Hormis le produit ou le service, il y a toujours un élément qui s'interpose dans la relation entre le client et son conseiller. Si ce n'est l'ordinateur, c'est la procédure, ou encore l'avis du chef qui bien entendu n'est pas basé sur place. Le dialogue qui devrait réunir seulement deux individus devient une équation à une ou plusieurs inconnues que les deux personnes en présence doivent démêler de concert. Etrange façon d'envisager le service où le conseiller par la force des choses se trouve tantôt du côté du client tantôt du côté de son organisme sans jamais trop savoir ou se placer. Bien sûr il ne faut pas s'y méprendre, les relations que nous tissons avec nos opérateurs ne sont jamais totalement dénuées d'intérêt. Aussi cordiales qu'elles peuvent être, chacun veille à ses intérêts. La sympathie qui se noue par exemple entre un conseiller clientèle et un usager n'a d'autre fonction que de fidéliser le client pour l'un et d'obtenir des gages d'être bien traité pour l'autre. Plus que toute relation de la vie quotidienne, le naturel est biaisé par l'objectif que se fixent chacune des parties. Mais au-delà de ces codes sociaux que chacun a apprivoisé, il est un trait nouveau de notre société, c'est celui d'envisager de plus en plus les relations à travers des procédures administratives. A tel point que cela tue les formes spontanées de notre relation à l'autre. La relation marchande, autrefois simple entre deux personnes l'une en face de l'autre, s'inscrit dans des schémas artificiels qui dénaturent la dimension humaine. Car lorsque qu'un usager sollicite un conseiller clientèle, ce dernier ne s'adresse directement à lui qu'après avoir consulté son dossier sur informatique, vérifié les données et qui plus est découvert son nom sur un fichier. Et lui répond enfin :- Bonjour Monsieur Machin. Que puis-je faire pour vous aider ?

16/02/2009

Quand les numéros font rêver

Le quotidien d'une vie est parsemé de détails. C'est parfois de l'usage de ces insignifiants détails que l'on sort les plus grandes évasions. Pour cela, il suffit de les apercevoir, de s'y arrêter quelques instants et de s'en servir comme d'un tremplin pour aller au-delà.

J'ignore d'où me vient cette habitude. Peut-être du débat sur la suppression du numéro département de la plaque minéralogique qui s'est fait jour à l'assemblée nationale l'année dernière ? Car c'est depuis cette annonce que j'ai pris conscience qu'une de mes pratiques favorites risquait de disparaître. Toujours est-il que depuis quelques temps, je ne peux me résigner à regarder une voiture sans poser mon regard sur son numéro de département. Plus que la marque, le modèle, la couleur ou encore l'année de mise en circulation, c'est le lieu de résidence des propriétaires de l'engin qui m'intéresse. Ce supplément d'âme. C'est sans doute l'élément qui donne à la voiture sa dimension humaine. Et lorsque je me trouve suffisamment proche d'une voiture pour lire la plaque, je regarde plus précisément le nom de la ville où est installé le garage qui en assure l'entretien. Ainsi, je découvre un peu plus précisément la vie de ses hôtes. Attention, lorsque je déclare recueillir les informations sur le propriétaire à travers les particularités de sa voiture, je ne dépasse jamais les limites de l'intimité. Car je ne saurais pénétrer dans l'habitacle du véhicule. Non je me contente du reflet que proposent les vitres. Partant de ces brèves informations, des images me viennent à l'esprit. Des images de paysages. Lorsque j'y suis déjà passé, je fais appel à mes souvenirs. Dans l'autre cas, à mon imagination relayée par des images d'Epinal. Et cette situation se présente comme un appel à m'y rendre pour en découvrir les contours. Ainsi j'aime me balader sur les trottoirs munis d'un stationnement pour voiture car je peux promener mon regard sur chaque plaque et agrémenter ainsi mon parcours.Mieux, les bouchons autoroutiers ne me sont pas ennuyeux depuis que je pratique cette activité autant distrayante qu'enrichissante. Au gré des villes que je fréquente et de voitures que je croise, je m'amuse à refaire virtuellement la carte de France. Souvent dans mon esprit, elle prend la forme de la carte administrative accrochée sur toute la longueur du mur dans la salle de classe de l'école primaire. Mais dans la réalité, les numéros sont souvent trompeurs car ils ne correspondent pas forcément aux territoires sur lequel il se trouve. Ainsi dans un département, je trouve facilement les immatriculations des départements limitrophes. La tâche s'avère plus ardue avec les voitures de location ou celles de société car elles ne suivent généralement pas la logique des particuliers. Une voiture de prêt louée Par une famille à Bordeaux, peut être immatriculée dans le nord, siège de la société de location. Ainsi, le numéro du département n'aura aucun lien avec l'histoire de vie de la famille qui part en vacances avec. Comme quoi, sans parler de cent et de mille, deux chiffres côté à côte peuvent encore faire rêver.

11/02/2009

Petits gestes aux grandes vertus


Notre quotidien fourmille de petits gestes plus ou moins empruntés dont on ignore bien souvent l’impact sur la vie des autres. Ils peuvent être insignifiants tout comme facteurs d’un bouleversement. Les mots que l’on s’échangent ne sont pas les seuls facteurs de transmission. Tous les modes d’expression qui nous habitent, mêmes anodins, peuvent influer sur notre entourage.


Quand je me rends au travail le matin, la plupart des visages que je croise sont, comme le miens, fermés. Dans cet environnement banalisé, il suffit qu’un seul de ces multiples visages arbore un sourire une attitude différente pour que je le remarque. Et cette mimique aussi banale soit-elle dans un autre contexte, me mettra ce jour-là en bonne disposition pour le reste de la journée. Car ce genre de petites anecdotes laisse une trace dont il faut savoir se saisir et ranimer le plaisir au fil des évènements qui traversent notre journée.Pour ceux qui en doutaient, le sourire au quotidien est une pratique à ne pas négliger. Il peut sans qu’on s’en prenne forcément conscience égailler la journée de quelqu’un et lui faire ainsi redécouvrir le bon côté des choses. Car à regarder les mines déconfites de certains le matin, ne soyons pas dupe, la vie n’est jamais totalement triste ou joyeuse. Nous avons toujours une bonne raison d’être satisfait. Et le sourire que reçoit quelqu’un ne fait que remettre au goût du jour une raison d’espérer ou un bonheur caché sous le flot de l’ennui. Tenez, l’autre jour, j’entendais un SDF comme on en voit malheureusement beaucoup me dire qu’il se réjouissait autant d’une pièce que d’un sourire. Car l’argent qu’on lui glisse dans la main ou dans le chapeau est un geste de solidarité qui lui permettra de subvenir à quelque besoin. Mais le sourire qu’on lui offre va, quant à lui droit au cœur. Il lui rappelle qu’il n’est pas seul car il appartient comme chacun à l’humanité. Le sourire du matin est également un très bon remède pour soi-même. Le simple fait de sourire entraîne son auteur dans un cercle vertueux. Même si vous n’êtes pas filmés, souriez, vous êtes observés

19/01/2009

[Chronique de l'insolite] « Et avec ceci, désirez-vous autre chose ? »


Il est des questions comme celle-ci qui font partie intégrante de nos codes sociaux. Personne ne peut réclamer des droits d’auteurs, et c’est bien dommage, car elle est sans nul doute employée des milliers de fois par jour. C’est une question banalisée qui, si l’on s’y penche, elle porte en elle un sens très précis susceptible de déclencher chez son destinataire un certain comportement. Technique commerciale ou simple fruit d’un usage.


Cette phrase, communément utilisée par les commerçants, lors d’une commande fait partie de notre vie quotidienne. Elle est comme on se plaît à dire entrée dans le registre de notre discours. A tel point qu’il s’agit d’une question à laquelle on répond tout aussi banalement : « oui ou non », suivant un code social que l’on a intégré. Il s’agit en somme d’une formule toute faite, comme il en existe tant d’autre dans nos relations sociales. Néanmoins, si l’on pousse ne serait-ce qu’un peu la réflexion, et que l’on tente de décrypter le sens des mots, cette question ne semble plus si anodine que cela. En effet, elle touche une dimension au comment importante de notre existence, à savoir le ressort de nos pulsions. Chaque fois que cette question m’est posée, j’avoue ne pas être à l’aise avec la réponse à y apporter. La formule m’interpelle comme si elle n’avait rien a voir avec le contexte. Imaginons qu’un jour, un client prenne au mot cette expression :- « Bien sûr que je désire autre chose ! » Comment ne pas désirer aller plus loin dans une vie. D’ailleurs l’existence de l’Homme n’est-elle pas faîtes de désirs. A l’instant où la question lui est posée, si le client devait répondre avec sincérité, il ne peut faire autrement que par la positive. Cependant, malgré tout le stock disponible dans le magasin, je doute qu’il soit suffisant pour combler le désir humain. Soudain, sujet à d’irrésistibles pulsions, chaque objet présent dans le magasin, devient objet de désir. Et chaque client peut trouver une utilité pour chaque produit chez lui. Tous ces objets, sans attrait particulier au départ attisent tout à coup le désir. Comme si cette phrase ouvrait alors tous les possibles et présentait ses étals du marchand comme un horizon sans limites. L’espace de cet aussi bref que décisif instant, l’existence du client se trouve apaisée. Il n’est plus question de culpabilisation, de raison, car le désir ne connaît pas de limites que celles que chacun se fixe. Et à quoi sert-il de le contrarier ? Et puis, la raison s’invite soudainement dans la réflexion. Elle rappelle l’ordre des choses et fixe des limites à l’utopie libérée par cette anodine mais finalement insidieuse question. Le désir est le plus souvent bordé par les limites du porte-feuilles. Car la question véritable à ses poser est : de quoi ai-je besoin au moment même où je fais mes courses ? Franchement, est-ce bien raisonnable de poser cette question lorsqu’on sait que le propre de l’Homme est d’éprouver du désir ? Et de désirer sans cesse ce qu’il ne possède pas.

10/11/2008

La singularité d'un objet

L’objet, quel que soit sa forme et sa fonction est omniprésent dans les situations pratiques de notre vie quotidienne. Nous vivons avec lui dans une telle harmonie que parfois nous lui prêtons un caractère, fruit de notre imagination ou de notre excentricité. Il nous arrive même de pousser le bouchon jusqu’à le personnifier. Un peu à la manière d’un enfant qui tient un discours à ses jouets et les anime en guise de réponse. Le rapport à l’objet serait-il plus aisé qu’avec l’individu ?

Le décors de note vie quotidienne est constitué d'une multitude d'objets aux fonctions toutes aussi complémentaires que parfois futiles. Ils ont pour principale fonction de nous faciliter l’existence ou de nous distraire. Mais souvent, ils portent en eux une image superflu. A tel point que certains prétendent pouvoir s’en passer. Ils pourfendent ainsi la société de consommation en condamant un usage à outrance des biens matériels. Pourtant il ne fait pas débat que certains objets rassurent. Sans tomber nécessairement dans la superstition, la proximité d’un objet auquel on prête un grand intérêt nous conforte dans certaines situations.La voiture facilite les déplacements autant qu’elle nous donne un statut. En fonction du modèle que l’on possède, celui-ci renvoie une image dans la société. Notre personnalité se confond avec cette image. La voiture constitue alors un sorte de béquille à notre assurance. Autre exemple, lors d’une entretien, un crayon donne une contenance. Il donne une activité à nos mains dont on ne saurait que faire sans celui-ci. De plus, cet objet permet de décentrer l’attention de notre auditeur de notre seul personne. Enfin, il permet dans certains cas de camoufler un éventuel tremblement. Un objet peut-être fonctionnel ou décoratif, pratique ou esthétique. Il n'est jamais qu'un repère matériel dans notre univers. Et pour nous persuader d'être libre, on cherche parfois en vain à s'en détacher. Chez les fumeurs, on trouve ceux dont le besoin de tabac est un nécessité et ceux qui n’accordent d’intérêt qu’à la gestuelle par exemple. Mais à partir du moment où l’on s’est habitué à la présence de l’objet, celui-ci fait presque partie intégrante de notre corps. Un objet n’est rien en soi. Afin de connaître sa valeur, il faut découvrir le contexte dans lequel il s’inscrit. On y accorde souvent une valeur sentimentale suivant la personne qui nous l’a offert. Les habitations sont remplies d’objets hétéroclites qui nous rappelle la visite d’une personne. Ils sont la trace du passage d’un tel. Et pour marquer la fin d’une relation, on va faire disparaître l’objet en question, comme pour tuer le souvenir. Certains objets expriment des codes sociaux et représentent des idées dans la mémoire collective. Ainsi, pour chacun la balance est le symbole de la justice. Enfin, l'objet que l'on voit, insignifiant en apparence, exprime bien plus que l'usage auquel il se destine. Il est souvent le support de notre imagination. En regardant certains objets, je ne peux m’empêcher de penser à une personne ou une situation qui dans mon souvenir s’y rattachent. Bien sûr si j’évoque cela avec quelqu’un qui n’a pas connu la scène, ce rapprochement lui paraîtra complètement fortuit. Pourtant ce phénomène se traduit très fréquemment et de manière relativement naturelle. Ainsi la forme d’une voiture parfois se rapporte dans ma mémoire aux courbes du visages de certains qui possèdent ce modèle. Comme un connivence qui n’a d’autre ressemblance qu’à travers le prétexte de mon imagination. Il n’est rien de dire que notre vie est intimement lié aux objets qui nous entourent.