"Réformer". Le terme est sur toutes les lèvres. Des élus à leurs administrés, des dirigeants aux syndicats, des décideurs aux citoyens. Tous les acteurs privés comme publics sont concernés par cette nécessité qui doit conditionner l'inscription de l'action publique dans le réel. Et cette attente suscite autant d'espoir qu'elle nourrit les plus grandes angoisses. Simple résistance au changement ou mauvaise utilisation du terme et de ce qu'il évoque ?
Dans sa définition d'usage, réformer signifie changer certes mais en mieux. Autrement dit améliorer pour offrir les conditions d'un progrès. Autant de choses positives. Le problème c'est que dans sa définition première le terme n'accepte pas de connotation positive car il signifie tout bonnement rétablir dans l'ancien. Dans ce cas réformer implique un retour en arrière. Dans le cas qui nous concerne, cette dernière définition est aussi bête que la première est difficile à jauger.
Toute réforme est jugée nécessaire par celui qui l'engage. Moins par celui ou ceux qui doivent la subir. L'action de réformer est par conséquent très délicate et ce pour deux raisons essentielles. La première est le sens polysémique du terme qui fait que chaque acteur peut se l'approprier afin de justifier des actes d'intérêt plus que l'intérêt partagé des actes engagés.
La seconde difficulté est que le désir de réformer se présente comme un curseur qu'il est extrêmement difficile de placer à sa juste place. La sagesse voudrait que la vérité se trouve au centre de toute chose. Pourtant quand on recherche la véritable justesse, celle-ci est un curseur qui varie entre deux extrêmes mais ne s'arrête jamais exactement au milieu
[1].
Pour un dirigeant Réformer c'est se confronter chaque jour à un dilemme permanent où il demeure parfois autant de raisons d'engager un changement que de laisser les choses en l'état.
Préserver l'environnement par exemple nécessite ainsi de se frayer un chemin entre la décroissance et le développement incontournable de notre économie dans le jeu réel de la compétitivité internationale. Il existe en réalité entre ces deux pistes un vaste champ de possibilités.
Néanmoins, une réforme justifiée doit éviter deux écueils : la précipitation et l'absence de concertation. Il n'est aucun besoin qui justifie d'agir dan l'urgence sans demander l'avis de ses principaux bénéficiaires. Sauf dans le cas de la réalisation d'une idéologie.
Pour être partagée, toute réforme nécessite d'avoir un sens. Elle ne s'accommode pas de logique systématique, encore moins de schéma idéologique. Car dans ce cas la réforme coure le risque de porter avec elle les idées reçues sur lesquels s'appuient les initiateurs. C'est ce qui se passe actuellement avec la mesure qui consiste à ne remplacer qu'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Sur quel constat s'appuie ce calcul et quelle amélioration est-il sensé apporter ? Enfin à qui ?
Protéger les citoyens nécessite de maintenir une couverture sociale suffisante tout en favorisant les conditions de la croissance économique.
Lorsque l'on est aux affaires, c'est-à-dire en charge d'un bien public ainsi que de la protection de tout un peuple, il est un principe auquel on ne peut déroger, c'est celui de la responsabilité.
Le principe de responsabilité, sous la forme où nous l'avons habituellement, à savoir sous sa forme juridique ou morale, nous propose Michel SERRES est trop court, parce que, au plus, nous sommes responsables des conséquences immédiates de notre action et aussi des torts qui s'ensuivent, des suites qui ont déjà fait leurs effets. Tandis que le problème de la responsabilité, ce sont des suites qui n'ont pas encore fait leurs effets mais que l'on peut évaluer.
Réformer revient donc à évaluer tout autant les conséquences immédiates d'une politique que anticiper sont impact éventuel sur la durée.
[1] Comment on y va…?, Jean-François KAHN, 2008