15/12/2008

[Expertise] Savoir-faire


Dans le monde professionnel, chaque métier possède son langage, ses codes, ses gestes. Un ensemble de techniques qui rendent le travail efficace. Certains gestes sont répétitifs, contraints alors que d’autres possèdent une réelle beauté et parfois même assurent l’admiration des novices. Il est très agréable de regarder un artisan travailler afin de se laisser charmer par la beauté du geste.


Depuis ma plus tendre enfance, un souvenir est resté accroché à ma mémoire. Je me trouve chez le boucher, face à l’étalage de viande consciencieusement disposée dans le présentoir par celui-ci. J’observe l’artisan couper la viande selon la commande qui lui a été passée. J’admire son geste, la concentration qu’il met en œuvre pour réaliser la demande. Cette scène est tellement ancrée dans mon souvenir que je ressens encore l’odeur parfumée de la viande cuite ou séchée. Et même jusqu’à la fraîcheur des lieux lorsque le boucher ouvre la porte de la chambre froide. Aujourd’hui encore, chaque fois, que je me rends chez un artisan.A l’inverse, cette anecdote aurait pu, comme pour certains, me dégoutter de la chair animale. Je serais alors devenu végétarien. Mais il n’en est rien. Car c’est le geste du professionnel qui m’a le plus impressionné que le triste sort du défunt animal. Je n’ai pas conservé dans mon souvenir la vue du sang ou les organes gisant sur la table de travail. Je n’ai rien conservé de désagréable.Ce qui me fascine toujours autant aujourd’hui, c’est le geste de l’artisan. S’agissant de viande, une découpe précise, régulière. Le visage concentré, les yeux fixés sur le morceau, le boucher exécute un geste qu’il a appris et dont l’expérience lui a apporté une réelle maîtrise. Bien entendu, cette maîtrise du savoir-faire se retrouve dans de multiples autres professions artisanales. Mais la particularité d’une boucherie est que souvent, la manipulation est faîte dans le magasin, à la vue de tous. C’est ce qui la rend encore plus spectaculaire. C’est la passion qui anime l’artisan et lui donne le sens du service. Les marchés sont remplis de ces personnages. Levés avant l’aube, il se pressent dans leur fourgonnette, installent aux premières lueurs leurs tréteaux, parfois de fortune, afin de déposer sur les étalages, les trésors issus du travail de leurs mains.Sur le même stand, on retrouve souvent plusieurs générations. Parfois, c’est une affaire de famille, mais il arrive que les voisins ou d’autres personnes de l’entourage soit réquisitionnés pour l’occasion. C’est alors une manière pour la plus ancienne génération de transmettre son savoir-faire. On les reconnaît au regard que ceux-ci posent sur les plus jeunes. Un œil bienveillant. Ils sont toujours disposés à donner un conseil, provoquant parfois la gène de l’apprenti et la compassion du client lui aussi attentif à la situation. Les marchés seraient-ils parsemés d’artistes qui s’ignorent ? Comme on visite un musée, il m’est très agréable de m’y promener.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

C'est à vous !