19/01/2009

[Chronique de l'insolite] « Et avec ceci, désirez-vous autre chose ? »


Il est des questions comme celle-ci qui font partie intégrante de nos codes sociaux. Personne ne peut réclamer des droits d’auteurs, et c’est bien dommage, car elle est sans nul doute employée des milliers de fois par jour. C’est une question banalisée qui, si l’on s’y penche, elle porte en elle un sens très précis susceptible de déclencher chez son destinataire un certain comportement. Technique commerciale ou simple fruit d’un usage.


Cette phrase, communément utilisée par les commerçants, lors d’une commande fait partie de notre vie quotidienne. Elle est comme on se plaît à dire entrée dans le registre de notre discours. A tel point qu’il s’agit d’une question à laquelle on répond tout aussi banalement : « oui ou non », suivant un code social que l’on a intégré. Il s’agit en somme d’une formule toute faite, comme il en existe tant d’autre dans nos relations sociales. Néanmoins, si l’on pousse ne serait-ce qu’un peu la réflexion, et que l’on tente de décrypter le sens des mots, cette question ne semble plus si anodine que cela. En effet, elle touche une dimension au comment importante de notre existence, à savoir le ressort de nos pulsions. Chaque fois que cette question m’est posée, j’avoue ne pas être à l’aise avec la réponse à y apporter. La formule m’interpelle comme si elle n’avait rien a voir avec le contexte. Imaginons qu’un jour, un client prenne au mot cette expression :- « Bien sûr que je désire autre chose ! » Comment ne pas désirer aller plus loin dans une vie. D’ailleurs l’existence de l’Homme n’est-elle pas faîtes de désirs. A l’instant où la question lui est posée, si le client devait répondre avec sincérité, il ne peut faire autrement que par la positive. Cependant, malgré tout le stock disponible dans le magasin, je doute qu’il soit suffisant pour combler le désir humain. Soudain, sujet à d’irrésistibles pulsions, chaque objet présent dans le magasin, devient objet de désir. Et chaque client peut trouver une utilité pour chaque produit chez lui. Tous ces objets, sans attrait particulier au départ attisent tout à coup le désir. Comme si cette phrase ouvrait alors tous les possibles et présentait ses étals du marchand comme un horizon sans limites. L’espace de cet aussi bref que décisif instant, l’existence du client se trouve apaisée. Il n’est plus question de culpabilisation, de raison, car le désir ne connaît pas de limites que celles que chacun se fixe. Et à quoi sert-il de le contrarier ? Et puis, la raison s’invite soudainement dans la réflexion. Elle rappelle l’ordre des choses et fixe des limites à l’utopie libérée par cette anodine mais finalement insidieuse question. Le désir est le plus souvent bordé par les limites du porte-feuilles. Car la question véritable à ses poser est : de quoi ai-je besoin au moment même où je fais mes courses ? Franchement, est-ce bien raisonnable de poser cette question lorsqu’on sait que le propre de l’Homme est d’éprouver du désir ? Et de désirer sans cesse ce qu’il ne possède pas.

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