31/08/2007

La Croatie, carrefour d'influences culturelles

« Comment peut-on être Croate ? » s’interroge le Philosophe Alain FINKIELKRAUT en titre d’un ouvrage paru en 1992, alors que des affrontements font rages au cœur des Balkans. 15 ans plus tard, je m'y rends avec celle qui partage ma vie, lors d'un voyage touristique et initiatique.

Le Vendredi 20 juillet, débarqués à DUBROVNIK, nous commençons notre périple par la Dalmatie, à l’extrême sud du pays. C’est une région littorale de la Croatie, le long de la mer Adriatique, qui va de l'île de Pag, au nord-ouest, à la baie de Kotor (Monténégro) au sud-est.
Affirmer à l’heure de mon retour que je suis parti en totale aventure serait exagérer. Bien sûr, nous ne nous attendions pas à quelque chose de précis. Mais nous avions tout de même étudié notre itinéraire avant le départ.
Vue la configuration du Pays, deux possibilités s’ouvrent alors à nous. Atterrir au nord du continent à proximité de la capitale et rejoindre le sud en fin de séjour. Ou l’inverse. Personnellement, j’envisageai la première hypothèse. Mon amie, avec qui je partage le voyage, a eu tôt fait de me persuader du contraire.
Rétrospectivement, je reconnais que nous avons fait le bon choix. Les deux parties du pays présentent des caractéristiques très différentes, voire même opposées. Quoique complémentaires. Commencer par le soleil et la mer nous aura permis de mieux affronter l’aspect plus sombre du nord. S’y enfermer en début de séjour aurait au contraire risqué de nous rebuter.
Notre programme se présente avec parcimonie mais répond à une logique géographique. Nous passons la première semaine à proximité de la ville de Dubrovnik. Puis, au cours de la deuxième semaine, nous remontrons jusqu’à atteindre la capitale, Zagreb. Ainsi, nous nous arrêterons chaque soir dans une ville différente. Ce sera alors l’occasion de loger chez les habitants. Nous traverserons les villes de Split, Trogir, Sibenik, Zadar, Varazdin et Zagreb.

Au cours de cette première semaine passée à Dubrovnik, je me rendrai dans deux pays voisins dans cette région des Balkans. Il s’agit du Monténégro et de la Bosnie Herzégovine qui ont également connu les tragiques affrontements de cette zone de conflits.
Durant ces visites, je n’aurai de cesse de scruter les traces de la guerre. Je poursuis un objectif simple : comprendre ce qui conduit à la barbarie humaine et comment elle se manifeste. Afin d’en mieux comprendre les circonstances, j’ai pris avec moi un livre éclairant de Laurent Joffrin qui s’intitule : « Yougoslavie, suicide d’une nation ».
La ville de Sarajevo étant très éloigné de là où je me trouve, je ne m’y rendrai pas. La principale ville de Bosnie que je visiterai se nomme Mostar. Elle est restée célèbre parce que son pont fût rompu par les bombardements. Bien qu’en partie rénovée, cette ville laisse encore apparaître d’ostensibles empreintes des affrontements.
La deuxième partie de mon séjour s’inscrit quant à lui sous le signe de l’itinérance. Elle sera alors constituée de multiples étapes. Je longerai ainsi la côte dalmate jusqu’à la Slavonie. Ce sera l’occasion de découvrir et de vivre des cultures totalement différentes. En effet, dans le nord de la Croatie, l’influence que l’on connaît sur les bords de l’adriatique laisse la place à une prédominance de la culture slave. On y découvre alors les repères d’un pays d’Europe de l’est et l’avènement du règne communiste. Loger chez l’habitant permet d’en prendre la mesure avec évidence.

Je ne livrerai pas ici un carnet de voyage reprenant de manière exhaustive la chronologie de mon parcours. Je préfère rendre compte de mon périple en développant quelques points qui ont retenu mon attention. Les anecdotes de mon séjour viendront illustrer ce témoignage.
A la réflexion, je n’ai jamais tant perçu la dimension nomade des peuples que dans cette région du monde. Aux confins de trois cultures importantes (vénitienne, grecque et slave), le territoire croate est marqué par le passage des peuples qui y ont séjournés. Elle arbore aujourd’hui fièrement les traces de cette histoire telles les ornements que les membre d’une tribu se transmettent entre générations.Plusieurs embarcations sont à notre disposition pour découvrir les recoins du pays. Bateau, voiture, scooter, avion …
A Zagreb nous empruntons le funiculaire.

La description du paysage vaut l’illustration d’une carte postale

Au fil des jours et des clichés pris parfois sur le vif, le paysage se révèle un peu plus à mes yeux peu accoutumés à cette région du monde. La lumière est puissante quand elle se projette sur les façades rendues éclatante par la luminosité. Elle ne laisse par ailleurs que peu d’endroits ombragés. A de nombreuses reprises, je partage la réflexion suivante : il est curieux de constater que le même paysage qui se présente sous nos yeux depuis plusieurs jours parvient à dévoiler à chaque regard de nouveaux charmes. Et petit à petit, nos yeux s’accoutument à ces nouveaux contours.
C’est par une vue d’ensemble des paysages et en particulier des villes qu’il est permis de décrire les plus précisément l’atmosphère dans laquelle nous baignons.
D’un côté la mer qui berce au loin quelques îles. Le littoral est rocailleux mais les gens se plaisent à s’étendre sur les rochers. Puis ils plongent directement dans l’eau qui se frotte aux récifs.
Jusque tard dans la nuit, on aperçoit des corps impatients qui flottent tranquillement dans la mer. Assis à la terrasse de cafés improvisés à même les rochers chacun regarde l’horizon et le reflet de la lune dans l’eau.
Mais longer la plage de jour mérite aussi le coup d’œil. L’eau y est transparente et laisse apparaître les galets ainsi que quelques oursins malvenus pour les pieds des baigneurs.

Lorsque l’on parcourt un tant soit peu le pays, il est vraiment frustrant de voir chaque fois les chaînes de montagnes s’étendre à perte de vue sans toutefois pouvoir y accéder. Ce serait un paradis pour les randonneurs. Non loin de nous, surplombant les côtes et à quelques centaines de mètres de la mer, des montagnes d’élèvent. Elles fixent la frontière avec la Bosnie-Herzégovine. L’accès impossible est rendu dangereux par la présence de mines antipersonnelles, vestiges de la guerre. Seuls quelques chemins peuvent être pratiqués, mais il fortement déconseillé de sortir des sentiers battus. Un guide nous apprend qu’en 2005, un touriste a perdu sa jambe. Avec précaution, nous prenons le risque en empruntant un petit sentier fraîchement parcouru. En cette fin d’après-midi, nous gravissons le sommet qui offre un promontoire sur la ville. Là-haut, nous découvrons un point de vue qui nous ravie les yeux.
De cet endroit précis, on peut en effet disposer d’une vue panoramique sur une partie de la Dalmatie sud et des îles qui lui font face. Gigantesque point de vue qui tranche avec l’autre versant. Des montagnes s’étendent à l’horizon de la Bosnie dont on ne perçoit, par conséquent, qu’une infime partie. Sur le sommet, des restes de sordides blaucos impactés par des balles. Le sol, lui, est renfoncé par endroits, laissant imaginer des tirs de canons.
A cet endroit, la paysage s’étend vaste et paisible et invite au recueil. Comme je l’évoquai en préambule, tout voyage est aussi l’occasion d’une introspection. Dans cette région comme dans d’autres, les manifestations de la barbarie des hommes obligent à un certain questionnement personnel. La tragédie est restée comme une empreinte dans notre mémoire occidentale.

Depuis quelques soirs, je me plais à retrouver un promontoire dans l’hôtel.

La douceur des îles

Au large de Dubrovnik, plusieurs îles se dessinent et tranchent ainsi avec la ligne que trace l’horizon Elles se nomment : Lokroum…
Les touristes affluent au port de Dubrovnik pour prendre un ticket afin d’aller rejoindre en bateau ces morceaux de terre perdu au milieu des flots. IlOn trouve pléthore de compagnie qui proposent le voyage. Différents vaisseaux sont amarrés. Ils attendent sagement tandis que leur coque est caressée par les clapotis de l’eau.
Lokroum séduit par ses charmes balnéaires mais également à travers son parc botanique.
De nombreux touristes que nous croisons s’y rendent afin d’y trouver un large choix de plages peu nombreuses sur les terres. Et lorsque l’on parle de plage ici, il ne faut pas imaginer des larges étendues de sable fin comme en Bretagne. Il s’agirait plutôt de rochers sommairement aménagés pour y accueillir les nageurs. Les pierres plates constituent de nattes exceptionnelles pour s’asseoir. Quelques échelles par-ci par-là, pointent du sol comme des champignons et rendent l’accès plus aisé à la mer. Elle est agitée aujourd’hui. Et à mesure que l’on se rapproche du soir, ce phénomène tant à s’accentuer. Le soir justement ! Il incarne la douceur de vivre. La dernière traversée est à 20h. Ce qui nous laisse le loisirs de flâner longuement sur les bords de l’île alors que chacun se presse déjà de rentrer à 18h.
Le soir. Les mouettes prennent leur envol et se confondent dans le ciel avec le soleil qui glisse, encore tiède. Le vent se lève alors et vient rafraîchir les corps échauffés par l’astre du jour. L’eau crépite et se jette par petites vaguelettes presque régulières contre les rochers. La plupart des gens sont partis. La nature reprend son règne et sans doute va-t-elle en profiter toute la nuit.
Au moment ou je consigne ces notes, nous allons quitter lendemain cette cité de caractère auprès de laquelle nous venons de passer une première semaine. Encore quelques mots sur ce paysage qui n’a rien d’urbain. Je veux parler de rues de Dubrovnik. Elles sont autant de sentiers pédestres qu’il y a d’habitants. Chaque rue en révèle une autre telle une fourmilière sans voûte.
Les engins motorisés en sont interdit, le sillon est donc sans ambages pour ceux qui s’y promènent.

Découvrir les facettes d’une ville

Les villes sont les principaux points d’attache qui nous servent de repères au cours du périple. A plus forte raison lorsqu’on a fait le choix de l’itinérance. C’est là qu’on y loge et qu’on se restaure la plus aisément. C’est surtout là que l’on trouve les musées et où, très souvent, se concentrent les informations sur l’histoire de la régions traversée.
Cependant, il est également appréciable de les quitter afin de se laisser bercer par les vastes alentours lorsqu’on aspire au calme. Itinérant, j’ai pu alterner les deux comme un juste équilibre.
J’ai précédemment mis en avant l’importance d’avoir une vue d’ensemble des paysages. Pour cerner d’un seul coup d’œil la diversité d’une ville, il n’y a rien de mieux qu’un promontoire. Les clochers d’églises, les sommets des montagnes ou autres belvédères sont des endroits où il me plaît de siéger quelques instants pour m’imprégner de l’immensité d’un paysage. Chaque aspérité se révèle alors dans un dégradé de couleurs toutes en nuance. Une véritable peinture à 360°.

Les villes conservent ici des traces d’affrontements ne serait-ce que dans la mémoire de ses habitants. D’autant plus qu’ici, les derniers bombardements ne remontent qu’à un peu plus de 10 ans. La beauté des plages et des façades dorées par le soleil semble vouloir faire oublier la rudesse de l’histoire locale. Mais cette carapace demeure perméable.
Il nous aura fallu près d’une semaine pour découvrir la ville dans ses moindres recoins. Surtout lorsque s’y cachent des pépites de l’Histoire.

La ville de Dubrovnik arbore quant à elle plusieurs facettes. Tout d’abord, jonchée en bord de littoral, elle est cernée de rempart. C’est la vieille ville. On ne peut la visiter qu’à pieds. Elle se laisse facilement pénétrer voire même envahir par les hordes de touristes de touristes en milieu d’après-midi. Pourtant, c’est le matin ou le soir qu’elle révèle ses charmes en découvrant ses plus beaux joyaux. Puis, le crépuscule la couvre d’une manteau noir qui met en valeur ses aspérités par des effets d’ombres. Les clapotis de la mer sur les rochers ou les façades de pierres blanches assombries par la nuit. L’aurore se charge d’en couvrir les contours par une brume de chaleur. L’ambiance y est tout à fait paisible et les fontaines rafraîchissantes.
Un peu plus loin, on découvre la ville moderne qui témoigne d’une activité humaine plus conventionnelle.
Dans la vieille ville, une large allée centrale s’étend de la porte principale pour s’en aller rejoindre le port, et au-delà les îles. De part et d’autre, une multitude de petites ruelles que je comparai à l’instant à une fourmilière dépourvue de son toit. Pour apprécier le charme envoûtant de cette ville, il est indispensable de s’y perdre nous apprend un passant qui parle français.
.

Nous passons la journée dans le Monténégro. Les bouches du Kotor
Nous nous arrêtons dans la ville de Kotor

.

La ville de Mostar est une destination particulière. Elle est en quelque sorte le symbole des affrontements au regard de notre périple. C’est effectivement dans cette ville que nous verrons les traces les plus importantes de la guerre.
Située en Bosnie-Herzégovine, cette ville est restée célèbre en raison de son pont qui fût détruit par les turbulences des conflits. Pourtant, il permettait de réunir les deux rives de la même ville et sa construction faisait incarne l’histoire. Afin de s’y rendre nous devons une nouvelle fois nous enfoncer dans les montagnes et longer le port de la ville moderne de Dubrovnik. De bon matin elle conserve le charme de la vie locale.
Une fois la frontière passée, de vastes plaines s’étendent aux pieds des montagnes. On y devine la plantation des arbres fruitiers (citronniers, dattiers…). La vente de ces produits du terroir constitue une de leur principale activité économique.
Pocitelj, le petit village où nous nous arrêtons avant d’atteindre Mostar a conservé les balafres de la guerre. Les habitants qui nous accueillent dans les rues ont le visage triste. Ils nous tendent des fruits et quelques bouquets de fleurs afin de gagner quelques sous.
Si les travaux de réhabilitation ont commencé aux pieds du village qui s’élève sur le flan de la montagne, celui-ci demeure dévasté.
Le premier sentiment qui m’anime au contact de ces lieux est une reconnaissance pour le courage des populations qui s’activent pour survivre. J’ai le sentiment de me trouver dans les coulisses de la guerre. Là ou les visages ne trichent pas, et témoignent de sentiments réels. Les touristes sont leurs principaux clients.

Puis la ville de Mostar se révèle sous nos yeux entre tremblements et stupeurs. Tremblement devant certaines façades couvertes de trous de balles jusqu’autour des fenêtres. Stupeur de voir la vie s’activer au milieu de ses ruines assombries par les traces de tirs de canons ou de mitraillettes.
La présence des mosquées témoigne encore de l’attachement des habitants au secours de religieux. Et au regard des tragiques évènements de l’Histoire, cela n’a rien d’étonnant.
C’est sans doute précisément dans ce refuge que les populations ont trouvé la force de ne pas céder au triste sort dont elles ont fait les frais. Pourtant, s’il on ne peut pas dire que la majorité des habitants soient des fidèles, les lieux de cultes sont conservés en toute pudeur et ornés avec grâce. Il existe alors une sorte de rituel qui fait que chacun tient à servir les lieux de prières afin de venir se confier en toute liberté auprès de celui qui les protèges. Plus que dans d’autre pays occidentaux, le religieux reste très ancré dans la tradition.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

C'est à vous !