31/07/2009

l'instant présent, trésors de l'existence

Saisir le présent, voilà une chose à première vue banale et à la portée de tous qui est malheureusement devenue à notre époque, un luxe. Le souci d’assurer pour demain sa propre survie et a fortiori celles des générations qui nous succèdent n’a jamais été aussi présent dans le cours de nos vies. Et si le recours à la distraction demeure pour quelques temps une manière d’échapper à la lucidité parfois éprouvante, cette échappatoire indispensable à la vie humaine s’éloigne lui-même de la portée de beaucoup de gens. Anticiper pour demain nécessite une implication dès aujourd’hui qui freine toute spontanéité. Comment appréhender cette frustration ?

A première vue, le temps est source d’insatisfaction. Qui d’entre nous n’a jamais eu le sentiment de courir après le temps ? Successivement, au cours de notre existence, on se retrouve avant ou après ou encore en parallèle mais jamais en phase avec cet insaisissable temps dont le cours glisse imperturbablement. Il est vrai que la notion de durée s’accommode bien mal de notre désir d’appât. Le temps est un bien hémophile, immatériel certes, mais au cours duquel nous sommes contraint de vivre. Le temps est une richesse car il accueille le calendrier de nos vies, de nos projets même s’il demeure un produit qui ne s’achète pas. Pourtant, le temps dit-on, c’est de l’argent. Chacun en dispose sans l’avoir choisi néanmoins avec la grande liberté d’en faire ce qu’il veut. L’écouler ou le laisser s’écouler. Et lorsque, les yeux rivés sur la clepsydre ou le sablier, on s’arrête sur la situation que l’on vit, satisfait, une fois n’est pas coutume de la situation, très vite notre conscience nous invite à faire un retour sur quelques souvenirs ou à nous projeter dans l’avenir. C’est lorsqu’on cherche à le saisir que le temps nous échappe.
D’ailleurs « le moment où je vous parle est déjà loin de moi » déclarait Bergson.
Ne faudrait-il pas mieux, pour vivre heureux, se « laisser aller dans le lit du torrent… ou dans le miens, si tu veux bien, quittons la rive, partons à la dérive. » Chantait Gainsbourg en s’adressant à Brigitte Bardot pour lui insuffler « L’eau à la bouche ».
Mais ce destin est-il, de nos jours, envisageable ? Précisément à notre époque ou l’homme n’a jamais autant désiré que son existence ressemble un temps soit peu aux contes de fées qu’il prend désormais plaisir à raconter à ses enfants le soir pour qu’ils s’endorment. Finalement cette histoire, aussi rébarbative soit elle, n’offre-t-elle pas plus de répit à l’adulte qui se la raconte qu’aux rêves de l’enfant dont l’imagination n’est pas encore éprouvée par la réalité.
N’en déplaise à Michel ONFRAY, notre épicurien contemporain, «Jouir sans entraves », le carpe-diem de 68 serait-il révolu ? Où pire serait-il devenu un luxe réservé à quelques Bobos en proie à une forme d’élitisme ? A l’épreuve de l’actualité, entre les licenciements, les catastrophes naturelles, ou encore, les accidents de la vie, chaque jour apporte sont lot de nouvelles négatives. Et finalement la seule chose qui pousse chacun à profiter de ce jour est l’appréhension du sort qui peut s’abattre sur lui dès demain.
En effet, dans les temps incertains que nous vivons, pour s’offrir le luxe de profiter de chaque seconde, il faut nécessairement disposer des solutions pour demain. C’est la condition sine qua none pour évoluer avec l’esprit libre. Ainsi, il sera difficile pour un scientifique de se réjouir du bonheur de voir grandir ses enfants alors qu’il est conscient des conséquences du réchauffement climatique sur la condition humaine.
Néanmoins, l’existence laisser apparaître quelques interstices dont chacun doit être en mesure de se saisir.
Reste ceux qui vivent le présent avec l’espoir de voir arriver des lendemains qui chantent. Comme on dit couramment : « l’espoir fait vivre ! ». Mais il faut sans doute l’alimenter régulièrement afin qu’il ne s’estompe de lui-même avec la lassitude ou encore que les affres de la vie ne l’érode.
Eternel, le temps a pour chacun une fin. En fonction du rapport que l’on se construit avec la mort, elle peut se révéler un véritable moteur existentiel. Car comme je l’évoquai plus haut, si le temps ne peut être le produit de transaction financière, il donne à la vie un prix. Cette échéance constitue pour beaucoup la condition d’un profit immédiat face à l’avenir incertain. Alors que pour d’autres, face à une incertitude qu’ils ont su apprivoiser, le temps est un chemin vers l’éternité.

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