27/09/2010

L'éducation, enjeu de société -6- L'éducation à travers le monde


L'action humanitaire est une manière d'œuvrer pour l'amélioration des conditions de vie des peuples. De plus en plus souvent elle se professionnalise tant la tâche est immense et l'enjeu indispensable. Néanmoins, historiquement il repose sur l'engagement des personnes. L'empathie en est le moteur humain principal. Assurément c'est une forme d'éducation.

Entretien avec Daniel HELBERT, Président de l'association "Ensemble agissons"


Hors d'Oeuvre : L’association a pour objet principal de mettre en place un « projet d’éducation et de santé » dans une région précise de l’Inde : Qu’entendez-vous par « éducation » ?

Daniel Helbert : Eduquer, quel que soit le contexte (géographique, social, ou culturel) signifie toujours « accompagner, conduire vers ». C’est un processus qui vise à permettre à la personne d’acquérir peu à peu une plus grande autonomie.
Pour reprendre une formule entendue de la bouche d’un philosophe lyonnais, spécialiste des questions d’éducation, « c’est une contagion de l’être par l’être » qui permet à chacun d’expérimenter (avec droit à l’erreur, bien entendu), de vivre et de grandir dans l’apprentissage et la confrontation.

Dans le contexte très particulier dans lequel nous sommes engagés avec l’association « ensemble, agissons » le plus important, c’est le chemin que nous faisons avec nos amis indiens de l’association Vimukti qui pilotent le programme sur le terrain. Habitant ces villages et formés à l’aide sociale ils sont à même de comprendre les difficultés de ces populations et de trouver les solutions les plus adaptées.

HDO : Le siège social de l'association est basé en France, à Lyon pour être précis. Pourtant vous intervenez essentiellement en Inde. Comment vivez vous cette distance ?

DH : A l’heure des vols « low cost », la notion de distance géographique n’a plus beaucoup de sens. Il faut à peine plus de temps pour se rendre en Inde que pour traverser la France du Nord au Sud ou d’Ouest en Est. Et l’utilisation d’Internet abolit définitivement cette notion de distance. Quelques clics et le message que vous destinez à votre interlocuteur indien lui parvient dans les minutes qui suivent.

Paradoxalement, cette distance géographique et la différence de race, de culture, de religion parfois, peuvent devenir des facteurs de rapprochement.
Croyez-vous qu’un homme (ou une femme) amoureux (se) puisse être arrêté par la distance qui le sépare de celle (ou de celui) qu’il (elle) aime ?
L’amitié et les liens qui se tissent peu à peu avec les membres d’une communauté, si loin et si proche à la fois, n’échappent pas à cette règle. Quand vous portez une idée, une action, un ami dans votre cœur, plus rien ne vous arrête.

HDO : Vous prônez l'éducation comme une méthode pour combattre l'asservissement des peuples. Pensez-vous qu'en France on est mieux placé pour défendre un modèle d'éducation ?
DH : Qui parle de méthode, de modèle ? les pédagogues vertueux ? les politiques ?
En matière d’éducation, il convient de faire preuve d’humilité et de rester à sa place en faisant du mieux que l’on peut.
Tout individu curieux, ouvert, cherche à comprendre le monde dans lequel il vit et essaye de trouver du sens aux actions qu’il entreprend, là où il vit et avec l’éducation qu’il a lui-même reçue. Il n’existe donc pas de modèle idéal qui serait superposable à d’autres contextes, dans d’autres cultures.
L’asservissement commence avec l’ignorance ou la méconnaissance de ses droits pour faire face à certaines situations.
Prenons un exemple : dans les pays du monde où l’épidémie fait le plus de ravage, la situation peut changer radicalement le jour où les hommes et les femmes prennent réellement conscience de la maladie et ont un accès direct aux moyens de se protéger. Sans apprentissage, il n’ y a pas de véritable liberté.

HDO : En tant qu’association vous récoltez des dons pour financer des projets locaux. Que répondez-vous à quelqu’un qui hésite à donner de peur que son argent ne serve pas directement la cause comme on l’entend dire pour certains mouvements victimes de détournement par exemple ?

DH : Pour nous la situation est très simple et très claire. D’emblée, nous avons fait le choix (et c’est notre philosophie) du bénévolat intégral. Cela veut dire que toutes les activités que nous mettons en œuvre pour soutenir financièrement le programme d’éducation et de santé à Pothnal sont prises en charge par les adhérents eux-mêmes sur fonds personnels. C’est aussi une manière de s’engager davantage envers celles et ceux que nous accompagnons. Pas de charge de structure, pas de professionnels rémunérés pour servir d’interface. Ceci étant dit, je respecte aussi profondément les associations humanitaires internationales dont le rôle est absolument indispensable pour l’équilibre du monde. Chacun est dans son rôle et c’est la force de chacun des maillons qui rend la chaîne plus solide.

HDO : Avez-vous le sentiment que votre action est utile ? Comment vous rendez-vous compte de cette utilité ?

DH : Utile ? Assurément, puisque grâce au programme que nous accompagnons dans 14 villages très isolés et très pauvres du Nord du Karnataka, des centaines d’enfants peuvent espérer un futur meilleur. Vishalakshi, l’adolescente de 14 ans que je parraine depuis 6 ans, aurait pu, comme beaucoup d’enfants de son âge, travailler aux champs, être l’objet d’un mariage arrangé, sans espoir d’avenir. Grâce à notre soutien et au projet de développement local auquel elle et sa famille ont adhéré, elle peut envisager de poursuivre ses études. Elle aimerait s’orienter vers une profession de santé. En fonction des ses résultats scolaires, elle deviendra aide-soignante, infirmière et pourquoi pas médecin.

Une goutte dans l’océan, mais laissez-moi vous conter une histoire:
« Un enfant se promène sur une plage immense. Il ramasse, une à une, les étoiles de mer venues s’échouer par centaines sur le sable et les remet délicatement à l’eau. Un vieillard, qui l’observe, s’approche de lui et lui dit : « Mais que fais-tu là mon garçon ? Ne vois-tu pas que ton geste est inutile ? Tu ne pourras les sauver toutes. » L’enfant lève les yeux, tend une étoile de mer en direction de l’homme incrédule, et lui dit: « Pour celle-ci, cela change tout ».

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