
Après avoir longtemps résidé à Rennes, je vis depuis quelques mois à Angers. Avant de m’y installer, j’ai souvent admiré de loin cette ville. Portail de l’itinéraire des châteaux de la Loire, la capitale de l’Anjou est recouvert d’une écharpe de verdure. Vue d’un grand angle, la ville se présente un peu comme une immense forêt parsemée d’arbres, de tours et de remparts médiévaux, d’immeubles plus récents et de lacs.
La ville abrite un fourmillement d’existences multiples et confidentielles. A l’échelle mondiale, toutes ces vies sont imperceptibles et se confondent. Selon les propos du philosophe Olivier Mongin qui propose une vision tout à fait élargie de la ville, « vue de l’espace, la nuit, notre planète apparaît comme un gigantesque ensemble bâti que révèlent les lumières de nos villes. La scintillante galaxie européenne, les cordons des villes côtières de l’Amérique du Nord, les amas plus serrés de l’Asie, de l’Inde à la Chine, de l’Indonésie au Japon, les astres isolés de l’Amérique du Sud, d’Afrique ou d’Australie… manifestent l’existence d’une des tendances les plus impressionnantes du dernier siècle : l’urbanisation du monde ».Mais je préfère le rapport personnel que l’on noue avec la ville. La ville. Chacun d’entre nous conserve pourtant en lui le souvenir d’une ville qui se mêle intimement avec une anecdote importante de sa vie. Une histoire d’amour ou la mort d’un proche. Des années étudiantes ou l’obtention de son premier boulot. En effet, la découverte d’horizons nouveaux provoque un chamboulement intérieur qui se rattache souvent à la circonstance que l’on y a vécue. On en conserve longtemps l’émotion. Elle inscrit son empreinte dans notre existence. Qu’il y consente ou non chaque être voue une partie de son existence tout au moins à une ville. Etudiant , il lui offre ainsi des nuits entières. Sa vie sentimentale s’y mêle également considérablement. On tisse alors, il me semble, un lien intime avec cet espace urbain qui provoque des émotions urbaines à l’intérieur de chaque être. On y passe tout de même une partie de sa vie. Puis, lorsqu’on retrouve sa ville après l’avoir quitté quelques temps, le premier coup d’œil vient réveiller en nous des réminiscences. J’ai conservé un souvenir de ma ville adolescente qui se manifeste régulièrement comme une réminiscence. A présent, je ne me souviens plus de ma première rencontre avec cette ville. Souvent pourtant, je l’ai inventé, puis réinventé sans fin car il me plaisait de la revoir régulièrement. Pour venir à sa rencontre, je choisissais chaque fois une entrée différente de ce fief médiéval. Et de chaque porte, émanait une émotion singulière. Longtemps j’ai arpenté les rues de cette ville-patrimoine, habité par l’espoir que cette marche me révèle les secrets de mon existence. Je crois à la possible connivence entre une ville et son peuple. Cette relation peut d’ailleurs se manifester sous différentes formes. J’y ai moi-même laissé quelques fantômes, qui accueillent chaque fois mon retour avec compassion mais ils cherchent encore à m’agripper afin que je ne les quitte jamais plus. Je résiste et, après avoir puisé quelques espoirs, le doute ne persiste pas. L’homme se lie à une ville à travers des habitudes qui dépassent la raison. La nuit en est un des symboles. Les lieux qui me sont insolites correspondent à quelques évènements du passé. Là où j’ai laissé glisser une partie de mon destin. Mais il en est certain aux confins desquels j’ai dérobé ce qui me permet d’y retourner aujourd’hui. Une image gardée secrète que je viens raviver à mon regard par la simple vue du paysage.L’itinéraire m’est guidé par le silence. Les semelles crêpes de mes Clark’s effleurent les pavés dans un acte charnel. J’évite les flaques lorsqu’il pleut. La nuit que je fréquente est féminine. Elle porte ses plus beaux bijoux la nuit lorsqu’elle se couvre de ce voile sombre et mystérieux. Souvent elle se présente vêtue de ses plus beaux habits. Les lampadaires, comme des yeux maquillés, ponctuent le chemin que je trace lentement entre les demeures de pierre. La mélancolie m’enivre et je me noie dans une overdose sans jamais parvenir à en repérer les limites. C’est à la fois salvateur et frustrant. A Fougères, la nuit porte des habits médiévaux, traces accumulées de l’histoire des peuples. Je la pratique régulièrement avec une assiduité qui n’a d’autre pareil qu’une fonction exutoire. Il est rare que je dessine deux fois le même parcours afin de ne pas m’enfermer dans une habitude qui me ferait perdre la découverte de nouvelles aspérités. J’arbore chaque contour de la ville de mon adolescence. J’y retrouve alors mes vieux démons. Traqués par ces souvenirs, j’accélère mon pas et là mon souffle libère une vapeur dans l’air, témoignant d’anecdotes qui reviennent à la surface. Je ne devrais plus aimer ces expériences nocturnes et pourtant je les recherche chaque fois que je le peux. La ville est une femme que la nuit habille de velours. J’arpente ses rues comme pour la découvrir de son sombre manteau.
La ville abrite un fourmillement d’existences multiples et confidentielles. A l’échelle mondiale, toutes ces vies sont imperceptibles et se confondent. Selon les propos du philosophe Olivier Mongin qui propose une vision tout à fait élargie de la ville, « vue de l’espace, la nuit, notre planète apparaît comme un gigantesque ensemble bâti que révèlent les lumières de nos villes. La scintillante galaxie européenne, les cordons des villes côtières de l’Amérique du Nord, les amas plus serrés de l’Asie, de l’Inde à la Chine, de l’Indonésie au Japon, les astres isolés de l’Amérique du Sud, d’Afrique ou d’Australie… manifestent l’existence d’une des tendances les plus impressionnantes du dernier siècle : l’urbanisation du monde ».Mais je préfère le rapport personnel que l’on noue avec la ville. La ville. Chacun d’entre nous conserve pourtant en lui le souvenir d’une ville qui se mêle intimement avec une anecdote importante de sa vie. Une histoire d’amour ou la mort d’un proche. Des années étudiantes ou l’obtention de son premier boulot. En effet, la découverte d’horizons nouveaux provoque un chamboulement intérieur qui se rattache souvent à la circonstance que l’on y a vécue. On en conserve longtemps l’émotion. Elle inscrit son empreinte dans notre existence. Qu’il y consente ou non chaque être voue une partie de son existence tout au moins à une ville. Etudiant , il lui offre ainsi des nuits entières. Sa vie sentimentale s’y mêle également considérablement. On tisse alors, il me semble, un lien intime avec cet espace urbain qui provoque des émotions urbaines à l’intérieur de chaque être. On y passe tout de même une partie de sa vie. Puis, lorsqu’on retrouve sa ville après l’avoir quitté quelques temps, le premier coup d’œil vient réveiller en nous des réminiscences. J’ai conservé un souvenir de ma ville adolescente qui se manifeste régulièrement comme une réminiscence. A présent, je ne me souviens plus de ma première rencontre avec cette ville. Souvent pourtant, je l’ai inventé, puis réinventé sans fin car il me plaisait de la revoir régulièrement. Pour venir à sa rencontre, je choisissais chaque fois une entrée différente de ce fief médiéval. Et de chaque porte, émanait une émotion singulière. Longtemps j’ai arpenté les rues de cette ville-patrimoine, habité par l’espoir que cette marche me révèle les secrets de mon existence. Je crois à la possible connivence entre une ville et son peuple. Cette relation peut d’ailleurs se manifester sous différentes formes. J’y ai moi-même laissé quelques fantômes, qui accueillent chaque fois mon retour avec compassion mais ils cherchent encore à m’agripper afin que je ne les quitte jamais plus. Je résiste et, après avoir puisé quelques espoirs, le doute ne persiste pas. L’homme se lie à une ville à travers des habitudes qui dépassent la raison. La nuit en est un des symboles. Les lieux qui me sont insolites correspondent à quelques évènements du passé. Là où j’ai laissé glisser une partie de mon destin. Mais il en est certain aux confins desquels j’ai dérobé ce qui me permet d’y retourner aujourd’hui. Une image gardée secrète que je viens raviver à mon regard par la simple vue du paysage.L’itinéraire m’est guidé par le silence. Les semelles crêpes de mes Clark’s effleurent les pavés dans un acte charnel. J’évite les flaques lorsqu’il pleut. La nuit que je fréquente est féminine. Elle porte ses plus beaux bijoux la nuit lorsqu’elle se couvre de ce voile sombre et mystérieux. Souvent elle se présente vêtue de ses plus beaux habits. Les lampadaires, comme des yeux maquillés, ponctuent le chemin que je trace lentement entre les demeures de pierre. La mélancolie m’enivre et je me noie dans une overdose sans jamais parvenir à en repérer les limites. C’est à la fois salvateur et frustrant. A Fougères, la nuit porte des habits médiévaux, traces accumulées de l’histoire des peuples. Je la pratique régulièrement avec une assiduité qui n’a d’autre pareil qu’une fonction exutoire. Il est rare que je dessine deux fois le même parcours afin de ne pas m’enfermer dans une habitude qui me ferait perdre la découverte de nouvelles aspérités. J’arbore chaque contour de la ville de mon adolescence. J’y retrouve alors mes vieux démons. Traqués par ces souvenirs, j’accélère mon pas et là mon souffle libère une vapeur dans l’air, témoignant d’anecdotes qui reviennent à la surface. Je ne devrais plus aimer ces expériences nocturnes et pourtant je les recherche chaque fois que je le peux. La ville est une femme que la nuit habille de velours. J’arpente ses rues comme pour la découvrir de son sombre manteau.
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