05/10/2009

Fenêtre sur cour

Une fois n’est pas coutume. Jamais deux sans trois…mais lorsqu’une même organisation voit 24 de ses agents se suicider, n’y a-t-il pas lieu de s’inquiéter ? Le malaise au travail serait-il devenu à ce point tragique. On sait la pression que certains salariés vivent ou la recherche de sens qu’ils ne parviennent pas à combiner avec leur activité professionnelle. Mais de là à atteindre ce point de non retour.
« Droit de vivre » c’est le titre de l’éditorial de Denis OLIVENNES dans le nouvel observateur cette semaine. Le directeur de la publication introduit ainsi le dossier hebdomadaire consacré au malaise vécu par certains salariés dans leur vie professionnelle dans l’Hexagone. C’est bien la preuve que ce sujet est devenu un phénomène de société. Non pas le suicide comme l’a maladroitement laissé entendre le PDG de France Telecom, mais le malaise. Vivre est un donc un droit. Là où le bas blesse, c’est lorsqu’il devient un devoir. En effet, vivre pour quelqu’un ou pour quelque chose, c’est d’une certaine manière se condamner à une dépendance qui peut mener loin. Jusqu’à un point final. Et je ne parle de « mourir pour ses idées » comme chantait Brassens.
Une vie réussie nécessite de trouver son accomplissement dans quelque chose qui nous correspond et alimente chaque jour notre désir d’aller plus loin. Il n’est pas d’autre existence idéale que celle-ci. Partant de ce constat, certains trouveront leur satisfaction très rapidement. D’autres, dont on dit qu’ils se cherchent, vivrons celle-ci comme une quête. L’important n’est-il pas de trouver un sens qui nous parle ? Et si l’on reste dans le domaine professionnel, même si le travail constitue à n’en pas douter un aspect important dans la réalisation de soi, il ne peut être le seul et égal pour chacun d’entre nous. On peut très bien travailler avec pour seule motivation, le salaire à la fin de chaque mois. Tout comme il est possible de s’investir dans un travail bénévole qui apportera quant à lui tout autre chose que des pièces sonnantes et trébuchantes. Ainsi le travail ne se résume à la profession qui apporte la condition de sa survie. Le travail doit pouvoir se présenter d’une autre manière que sous la forme d’une contrainte. Mais il faut savoir se préserver du temps libre.
De nombreux sociologues ont depuis longtemps pointés la confusion entre sphère professionnelle et sphère sociale dans l’activité contemporaine des professionnels. A priori, ce mélange des genres permet de concilier les contraintes liées à chacun des domaines précités. Cependant, lorsqu’il y a souffrance, il n’est plus une dimension qui préserve de l’autre. Le salarié se retrouve pris dans un étau entre le désir de satisfaire dans son milieu professionnel autant que d’être aux côtés de sa famille. Et puis la tension s’installe jusqu’à devenir intenable.
Mais comment le désir de vivre peut-il, l’espace d’un instant, laisser la place à Thanatos ?
Albert Camus débute le récit du Mythe de Sisyphe par ces mots : « il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux, c’est le suicide ». Il est vrai que c’est une lourde responsabilité que de faire le choix de continuer à vivre lorsque la maladie ou la tristesse s’invite dans notre vie. Et ce peut être là que la question longtemps ignorée : pourquoi continuer ? émerge. Jean-Paul Sartre lui-même, existentialiste engagé, pointe l’ironie du sort de la vie car on n’est pas libre de décider ou pas de sa naissance. Certes mais de sa mort si. Ainsi la mort que quelqu’un se donne sans laisser d’explication peut être interprétée comme un pas en arrière ou un pas en avant. C'est-à-dire, l’envie de n’avoir pas été ou celle de ne plus être. S’il est parfois plusieurs raisons de douter de son existence, il suffit d’une seule raison pour continuer d’avancer. Car la vie c’est chiant parfois, mais c’est beau tout le temps. Autre manière de dire que « la vie ne vaut rien mais que rien ne vaut la vie ».

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