12/10/2009

Un talent caché

Parmi les habitants des villes, qui n’a jamais croisé de sans logis. On les nomme les Sans Domicile Fixe. Parmi ceux-là, certains ne vivent pas comme une contrainte cette situation. C’est un choix d’existence qui est marqué par une forme de liberté qui les amène à marcher. Ce sont des baroudeurs singuliers. Nomades, ils n’appartiennent pas à la classe de ceux qu’on appelle « gens du voyage » pas plus qu’ils ne sont des SDF. Ils refusent pour autant la vie rangée qu’une majorité d’occidentaux ont apprivoisée.

Naples. Assis sur un banc, je regarde passer un homme dont l’apparence n’a rien de flatteur. Même à distance, il apparaît sale, vêtu d’habits en haillons et son visage est rouge. Il me rappelle un personnage que je croise régulièrement en France aux pieds d’un immeuble du centre ville. Dans toute les villes, il y a ici ou là un mendiant que l’on est amené à croiser tellement régulièrement qu’il finit par faire partie du paysage. Chaque jour on se reconnaît.
Cependant, celui-là pousse lentement, mais avec force, un vieux caddie de supermarché. Son allure est chancelante. Pourtant, il semble connaître son itinéraire. Il accompagne sa marche d’une chanson. Un air entraînant qu’il déclame à pleine voix. Les paroles sont en anglais mais lui est certainement italien puisque sa monture ne lui permet pas, à première vue, de passer aisément la frontière.
Le marcheur maîtrise parfaitement les paroles et sa voix est travaillée de telle sorte que l’on pourrait facilement penser qu’il a été chanteur. D’ailleurs à mieux y regarder, il en porte le look. Ses cheveux longs ondulent, libérés de leur gomina. Et sa barbe, à présent mal taillée laisse entrevoir qu’il portait auparavant deux beaux favoris. Un chanteur d’opéra peut-être. Son costume, plus qu’usé bien-sur est fait d’une matière solide. C’est une chance car c’est à présent son seul vêtement. Quant au personnage, au fond, il semble être resté fidèle à son premier rôle. Otez le décor, il demeure un chanteur se tenant droit la poitrine en avant. A l’aise avec sa voix. Sait-on vraiment qui se cache derrière les nombreux baroudeurs que l’on croise ? Car autour, personne ne semble se préoccuper de ce personnage, aussi atypique soit-il au beau milieu de ce parc. Il y a même quelque badaud qui, comme moi, l’observe médusés.
Cette scène de vie me rappelle le film Hommes femmes, mode d’emploi, de Claude LELOUCH. Parmi les nombreux personnages caractéristiques dans ce film il y a un clochard avec une voix d’ange. Jusqu’à la fin du film, il parvient à émouvoir le spectateur. Et, au cours de l’histoire, il se voit offert avec son ami musicien, une chambre dans un hôtel richissime par un une homme d’affaire perdu dans son existence. C’est grâce à ce geste que ce chanteur va se voir découvert et se retrouver sur une prestigieuse scène d’opéra par la suite.
Puisse le même destin attendre l’individu qui aujourd’hui pousse devant moi son caddie. De manière à ce qu’il retrouve son destin perdu.

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