31/08/2010

[Regard] La fin ?


(Photo de Franck CABON)

Depuis que notre civilisation existe, il y a toujours eu des gens qui défendent la thèse de la fin du monde. Certaines sectes se sont mêmes fondées autour de ce principe. Fantasme ou réalité ?

Voici le regard de Nathalie RAGUIN, Professeur d'Histoire dans un lycée de l'Académie de Caen.


Paris, mai 1910. La bonne société retient son souffle et profite de ses dernières bouffées d'oxygène pour vider quelques bouteilles de champagnes. Motif de la célébration : la fin du monde est pour le lendemain. La comète de Halley va frôler la Terre, libérant dans son sillage un gaz mortel pour tout être vivant n'ayant pas eu possibilité de suivre les bons conseils de certains journaux pourtant sérieux, à savoir descendre sous la mer, lieu refuge inaccessible au gaz.
Nous rions de l'incrédulité de nos ancêtres, ayant eu si peu foi en l'avenir. Nous faisons de leurs peurs de l'apocalypse un objet de fascination ou bien d'instrumentalisation. A chaque époque son regard amusé ou condescendant sur le passé. Les savants de la Renaissance ont jugé parfois bien cruellement le Moyen-Age et son lot de superstitions, donnant naissance au mythe des frayeurs millénaristes, connu sous le nom de « grand-peur de l'an Mil ». Le XIXe siècle a tenté de faire dire à la Science ce que l'homme avait depuis si longtemps ignoré. Car parmi toutes les questions que peut abriter un esprit humain, il en est une qui rend fou. Quand ? Quand tout ceci va-t-il prendre fin ? Quand l'homme va-t-il devoir payer le prix de son passage sur terre ou bien gagner sa récompense divine ? Et surtout, comment cet apocalypse va-t-il survenir ? Feu du ciel, courroux divin, déchaînement des éléments, menace extraterrestre, autodestruction... Chaque société, chaque religion s'est à un moment donné ou à un autre penché sur cette question abyssale. S'il y a bien un point commun entre les civilisations, c'est celui-ci.
Plus de 100 ans après les "cocktails fin du monde" ayant défrayé les chroniques mondaines parisiennes, nous allons à notre tour devoir nous interroger sur le mot "fin". Personne ne peut ignorer qu'une date de péremption nous aurait été imposée par le peuple Maya. 21 Décembre 2012… Une journée qui ne manque pas de faire parler d'elle. Certains en sont persuadés. Nous n'avons survécu au passage à l'an 2000 que pour mieux nous éteindre en 2012. Le fait de crédibiliser une date en s'appuyant sur des prédictions venues d'un autre âge n'est pas nouveau. C'est même une constante dans les théories apocalyptiques. Mais alors ne sommes-nous pas capables d'apprendre de nos erreurs et de comprendre une fois pour toutes les mécanismes qui nous amènent, de façon inéluctable, à prendre peur de la fin de notre monde ? Fascinants points communs, qui nous prouvent qu'en dépit de toutes les évolutions technologiques, un être humain reste un être humain. Nous vivons sans forcément nous en rendre compte dans une angoisse de la mort quasi permanente. Nous voyons les choses nous échapper, parce que nous ne les comprenons pas, ou tout simplement parce que nous sommes dépassés par ce qui nous entoure. Etre capable de prévoir la fin, d'anticiper, ne serait-ce pas finalement un moyen de reprendre le contrôle ? Nous nous révélons en ce début de 21e siècle encore pétris de religions, ces dernières alimentant subtilement nos peurs les plus profondes, question de contrôle encore. Le contexte économique n'arrange en rien les choses, ne pouvant que tracer le chemin vers un avenir au mieux sombre, au pire inexistant. Le constat d'une planète qui se réchauffe, qui devient invivable, parachève ce sentiment que nous ne contrôlons plus rien, que nous sommes devenus l'instrument de notre propre fin. 2012 devient une catharsis de toutes ces peurs, de toutes ces dérives. Pas étonnant que nous retrouvions cette date mentionnée un peu partout… Films, livres, sites Internet, et même discours politiques… Là où seule la religion pouvait fournir des explications quant au "comment" et au "pourquoi", nous mettons désormais la science au service de nos phobies apocalyptiques. Finalement, l'une des seules constantes dans tout ça est que nous pouvons être sûr que la fin du monde est toujours pour demain, et que notre présent sera toujours habité par cette question de savoir quel demain. Et si jamais nous étions encore là au matin du 22 Décembre 2012, ne soyons pas trop déçus. Il existe dors et déjà de nombreuses prophéties de secours…

Nathalie RAGUIN.

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